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de la pensée et de la main, tous ces empêchemens, toutes ces difficultés ne seraient rien devant la puissance d’un grand exemple ; mais les génies où sont-ils ? Qui en donnera à notre monde appauvri ? C’est du ciel qu’ils descendent, et il en est avare. Qui nous donnera surtout de ces génies simples dans leur grandeur et ne gâtant pas, à force de s’enivrer d’eux-mêmes, les dons qu’ils ont reçus d’en haut ? C’est là le problème, et, à vrai dire, il n’est pas à la veille d’être résolu.


Quoique l’exposition de 1867 ne soit parvenue qu’à la moitié de son cours, sa mission essentielle est remplie ; le plus puissant moyen qu’elle eût d’agir sur ses justiciables lui a échappé : elle a distribué ses prix. La cérémonie a été fort belle, c’est la seule joie sans trouble qu’ait eue le commandeur des croyans, étonné au fond de se trouver là. Point de mécompte dans la mise en scène, pas un point noir à l’horizon. Le lendemain seulement un orage a éclaté, et avec quelle furie, les grands foyers d’industrie le savent ; il dure encore et gagne les petites localités qui n’en avaient jusque-là reçu que d’insignifiantes atteintes. Ces récriminations ne sont pas nouvelles : dans tous les concours de ce genre, les exposans se sont trouvés mal jugés, les lauréats plus mal que les autres ; ceux qui avaient du bronze auraient voulu de l’argent, ceux qui avaient de l’argent auraient voulu de l’or, les petits prix contestaient les grands prix et les mentions — ayant pour elles le nombre — menaient un bruit à tout dominer. Le temps fera justice de ce concert de doléances et d’accusations où les vanités individuelles se retranchent derrière des griefs généraux pour frapper des coups plus sûrs. Le seul devoir qui reste aux personnes désintéressées, c’est de s’assurer si parmi ces griefs il n’en est point de fondés et d’une gravité telle qu’il y ait intérêt à les porter devant le public.

Le premier reproche que l’on fait à la commission impériale, c’est d’avoir multiplié outre mesure les prix impersonnels au détriment des récompenses individuelles. Ainsi beaucoup de médailles d’or décernées à des corps moraux, contrées, villes, chambres de commerce, ont eu pour conséquence d’abaisser d’un degré les médailles accordées aux exposans de la localité. Dans le groupe de Lyon par exemple, il a suffi d’une médaille d’or donnée à la chambre de commerce, qui n’en a que faire, pour condamner à la médaille d’argent quinze ou vingt industriels de premier ordre, qui, dans les concours précédens, avaient obtenu les récompenses supérieures, médailles de prix en Angleterre, en France grandes médailles d’honneur ou médailles d’or. N’est-ce pas là, dit-on, une mauvaise