Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/965

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

note, une diminution de grade, comme on en inflige dans l’armée à ceux qui ont démérité ? Encore si cette sobriété dans l’octroi de la médaille d’or eût été générale, la résignation fût devenue plus facile ; mais ces mains fermées pour une classe s’ouvraient largement pour d’autres : le hasard, le caprice, en décidaient. Croirait-on que les boissons fermentées ont eu 84 médailles d’or, tandis que la soie et les soieries n’en obtenaient pas une et en outre 191 médailles d’argent, le tout pour des marchands plutôt que pour des vignerons. Que signifient enfin ces grands prix distribués entre les états plus ou moins engagés dans la culture du coton, l’Égypte, le Brésil, la Turquie, l’Italie, l’Algérie, les Indes anglaises ? A qui les adresser et à quel écusson les suspendre ? Passe encore pour des grands prix d’empereurs, ceux-là ne restent pas en chemin ; il y a assez d’officieux pour les remettre aux destinataires.

À ces remontrances, à ces plaintes, la commission impériale répond en rejetant sur les jurys de classe, puis sur les jurys de groupe, qui forment le second degré de juridiction, la responsabilité de ces erreurs, de ces contradictions, de ces fantaisies. Ces jurys agissent séparément et dans une pleine indépendance ; on ne saurait leur demander ni en attendre une conformité rigoureuse dans la manière de procéder. Ils se composent de membres français et étrangers ; on n’y réunit des noms de quelque poids qu’à la condition d’affranchir les jurys des formes gênantes et d’avoir un certain respect pour leurs décisions. Dans tout cela, il y a bien la part des infirmités humaines ; mais où ne se glisse-t-elle pas ? Le plus fâcheux, c’est que l’arrêt une fois rendu n’est susceptible ni d’appel, ni de recours. Le jury se disperse, et on serait mal venu à le convoquer de nouveau pour se réformer lui-même. Quant à une réforme d’office, il n’y faut pas songer : ce serait la ruine du principe même des expositions. Pour que les autres états y acquiescent, il est de règle que la main du pays qui les inaugure n’en rende pas le régime trop onéreux, et que les balances où les titres se pèsent ne soient pas soupçonnées d’avoir des poids inégaux. Le respect des décisions prises est donc de rigueur. Tout au plus peut-on panser les blessures les plus vives, réparer quelques omissions, ajouter aux faveurs accordées. C’est une révision amiable, un supplément d’instruction qui apaise sans rien infirmer. Voilà comment la commission impériale se défend, et dans une certaine mesure elle a raison. A réparer toutes les erreurs et redresser tous les torts, il faudrait guerroyer sans relâche et la lance au poing : personne n’est infaillible. Seulement il est difficile de supposer qu’à aucun degré de la juridiction des récompenses les présidens de groupe d’abord et après eux la commission impériale n’aient pu arrêter cette pluie de