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ferions-nous ? Notre service postal risquerait de perdre les avantages qu’il a conquis au prix de tant d’efforts ; il demeurerait stationnaire en face de ses rivaux. La France se verrait enlever le transit des correspondances de l’Allemagne, de la Suisse, de l’Italie, de l’Autriche, à destination des États-Unis ; la fortune commerciale du Havre serait inévitablement compromise. Déjà l’entrée du Havre cesse d’être facilement praticable pour les grands navires. Faudra-t-il que les paquebots émigrent à Cherbourg ou à Brest ? Ces deux ports appartiennent à la marine militaire, et d’ailleurs il ne serait ni facile ni juste de déplacer un centre commercial dont l’existence est consacrée par une prospérité plus que séculaire. Il n’est pas douteux que, si des études ont été entreprises pour le Havre et pour les autres ports, un tel intérêt n’aura point échappé à la vigilance administrative ; mais l’urgence est si manifeste que l’on ne saurait la rappeler avec trop d’insistance. Pour quiconque a observé les phases rapides par lesquelles ont passé les dimensions sans cesse croissantes des paquebots, l’approfondissement des ports (autant que la science le reconnaît possible) est commandé par la plus impérieuse nécessité. Il faut attaquer la nature partout où elle peut être vaincue.

Les navires postaux doivent partir et arriver à jour fixe ; les mauvais temps, qui retiennent parfois au port ou au large les autres navires, ne comptent pas pour eux. Si nous les voyons si fiers de quelques heures d’avance, le moindre retard porte une cruelle atteinte à leur réputation d’exactitude et de vitesse. Ce point d’honneur, qui pousse à l’audace, a quelquefois ses dangers. Bien des terres sont très dangereuses à approcher de nuit, et les capitaines prudens aiment mieux retarder leur entrée au port que de s’exposer aux périls d’une côte malsaine. Ces périls, on peut les diminuer en améliorant le régime des phares. Les principales nations ont donné l’exemple. Elles ont augmenté très sensiblement le nombre des phares, elles ont emprunté à l’électricité son pouvoir éclairant, et nous avons vu à l’exposition universelle les perfectionnemens très sérieux qui ont été accomplis dans cette branche de l’industrie maritime. Le passage dans la Manche et l’atterrissement sur ses côtes ont toujours été redoutés des marins ; c’est la route de la plus grande partie des paquebots d’Europe. Serait-il possible d’y établir en pleine mer, comme on l’a proposé, une ligne de phares flottons ? C’est un projet qui mérite d’être étudié, et dont l’exécution donnerait plus de sécurité aux steamers en leur permettant de conserver leur pleine vitesse ; mais l’amélioration des phares est surtout nécessaire sur les côtes des états secondaires de l’Amérique et dans les mers de la Chine et du Japon. Dût-on faire supporter la