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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/1041

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Caprera. Il veut revenir en terre ferme ; on l’en empêche. Eh bien ! la pensée garibaldienne réussit par les obstacles mêmes qu’on lui oppose. L’impuissance personnelle à laquelle on réduit Garibaldi peut accélérer la chute du pouvoir temporel. Comme il eût été aisé de le prévoir, l’arrestation de Garibaldi, au lieu d’empêcher le mouvement des volontaires, l’a excité et l’a aigri. Les escarmouches des volontaires italiens avec les troupes pontificales, formées de recrues étrangères, ne peuvent pas s’engager et se répéter sans que l’opinion publique soit émue. Tous les cœurs en Italie vont être entraînés vers les garibaldiens. Laissera-t-on durer une situation si difficile où tout serait livré au hasard, et qui, si on la livrait à elle-même sans direction et sans contrôle, pourrait produire des accidens désastreux ? L’on découvre sur-le-champ qu’un puissant intérêt d’ordre et de sécurité réclame l’intervention d’une force organisée entre les volontaires, les insurgés et le pouvoir pontifical. On voit aussi qu’à moins de tout remettre en question entre la France et l’Italie la force intervenante ne saurait être française. La politique française, qui semblait, il y a un mois, vouloir exiger l’exécution littérale de la convention du 15 septembre, reconnaît aussitôt que la prudence lui commande de ne plus exercer d’intervention en Italie et à Rome. On comprend que si l’Italie doit être assise, et qu’on ne veuille pas exposer Rome à devenir le centre d’un mouvement républicain dans la péninsule, il est temps de laisser la question romaine arriver à sa fin naturelle. Que le gouvernement italien soit donc chargé de rétablir l’ordre dans les états romains et de protéger le chef de l’église catholique contre les dangers d’une insurrection révolutionnaire. On a rarement vu s’accomplir en aussi peu de temps un pareil revirement des idées et des événemens. On voit aussi ce que sont devenus les traités à notre époque : de simples et courts expédiens transitoires, de minces masques derrière lesquels se cachent un instant l’indolence, la timidité et l’impuissance d’esprit ; ils n’assurent plus aux intérêts des garanties solides et durables de sécurité. Un grand élément d’ordre et de prospérité est enlevé à l’Europe contemporaine par ces maladroits replâtrages qu’il faut sans cesse recommencer.

L’affaire de Rome sera pour nous une diversion de spectacle de la transformation intérieure de l’Allemagne. L’observation et l’attente sont les dispositions avec lesquelles il convient à la France d’assister à la phase actuelle de la vie germanique. Notre véritable intérêt est que les choses se développent en Allemagne suivant leurs tendances naturelles. Si nous faisions mine de les surveiller avec jalousie et de chercher à contrarier les résolutions des Allemands sur leurs affaires intérieures, nous commettrions des fautes graves, nous détournerions les Allemands des voies naturelles du travail politique qu’ils ont entrepris, et qui peut, s’il n’est point faussé par d’injustes diversions extérieures, servir au progrès des idées libérales en Europe ; nous risquerions de donner décidé-