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tente d’un mois avant d’être mise au courant des desseins généraux de la politique du gouvernement.

Il est cependant un ordre d’événemens qui n’attendra point pour s’accomplir le 18 novembre. C’est celui dont le spectacle occupe, émeut tout le monde ; ce sont les troubles de l’état romain, qui paraissent être la crise dernière du pouvoir temporel de la papauté. Cette crise doit avoir les conséquences les plus considérables. Si le pouvoir temporel est retiré à la papauté, les principes des rapports des églises avec les états seront changés dans tous les pays civilisés, car il y a des populations catholiques dans les pays mêmes dont les gouvernemens ne communient pas avec Rome. Une ère s’ouvrira où devra se réaliser partout la séparation des pouvoirs temporels et des libres manifestations de l’esprit religieux. C’est une réforme immense qui se lève dans le monde, et qui, dominant toutes les résistances, unira par le pénétrer. Cette révolution peut être pour la religion catholique une cause d’affranchissement et de régénération. Elle devrait dès à présent fournir matière aux considérations les plus élevées, aux résolutions les plus consciencieuses et les plus généreuses. Quand le pape aura cessé d’être roi, la grande parole de M. de Cavour, traitée à l’origine de songe et de déclamation, — les églises libres dans l’état libre, — deviendra pour les consciences religieuses l’objet des efforts les plus pratiques et la réalité la plus positive. On nous permettra de nous borner aujourd’hui à indiquer ces vues si conformes aux principes de la révolution française. Obligés de suivre les faits dans la forme où ils se présentent, nous conviendrons d’ailleurs sans peine que la crise romaine, comme tous les événemens de notre époque, éclate d’une triste façon dans des conditions et au milieu de circonstances peu dignes du dénoûment d’une expérience qui intéresse à un si haut point la conscience humaine.

De quoi ont l’air les rapports du gouvernement italien avec le général Garibaldi ? Voilà, malgré sa marche irrégulière et l’excentricité de son langage, un homme qui a personnifié en lui l’unité italienne et l’aspiration vers Rome capitale. Il prêche pendant quelques jours la croisade contre le pouvoir temporel, et tout le monde, même ses amis les plus avancés, trouve sa tentative intempestive. Les esprits ont si peu l’habitude de la réflexion appliquée, ils se rendent si mal compte de la fragilité de certaines situations et de la puissance d’une initiative persévérante que ceux qui en France, en Angleterre, en Allemagne, ont le plus applaudi aux succès de Garibaldi se figuraient qu’il entrait en lutte avec l’impossible. — Le gouvernement français, disait-on, envoyait les avertissemens les plus sévères au gouvernement italien : on assurait que nous avions une division prête à s’embarquer pour Civita-Vecchia, et que notre escadre de la Méditerranée attendait dans la rade d’Hyères le moment de l’y conduire, M. Rattazzi fait arrêter Garibaldi. Le général est ramené à