Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/1046

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

malgré les dissentimens politiques qui les séparaient de lui, aucun ne dissimulera ses regrets de la fin prématurée d’un homme à la fois sage et hardi, si dévoué au gouvernement régulier des finances françaises, et qui a eu toujours la volonté et quelquefois le bonheur de leur rendre de bons services.

Les exemples financiers de l’Angleterre étaient depuis longtemps l’étude de M. Achille Fould. Il avait compris et admiré l’administration vigilante et progressive de sir Robert Peel, les courageux et brillans budgets de M. Gladstone ; mais il ne lui fut pas donné de réaliser en France d’aussi heureux résultats. Il faut le dire pour la rareté du fait, l’Angleterre est aujourd’hui le seul pays dans le monde qui jouisse d’un excédant de recettes sur les dépenses. Les derniers comptes-rendus publiés établissent que dans l’année financière actuelle le revenu public a dépassé la dépense de plus de 60 millions de francs. L’imprévoyance et la légèreté avec lesquelles les autres peuples mènent leurs affaires de finances et augmentent leurs dépenses stériles sont une calamité universelle et une cause prépondérante des souffrances du commerce et de l’industrie. Ces souffrances viennent de provoquer de la part de certaines chambres de commerce françaises des investigations curieuses et utiles. La chambre de commerce de Rouen vient d’adresser à celle du Havre et même à la chambre de commerce de Liverpool une série d’interrogations sur les causes de la crise présente. Il est sorti de cette correspondance d’intéressantes déclarations dont l’opinion publique pourrait s’armer en tout pays pour agir sur les gouvernemens. La chambre de Liverpool, dans sa réponse aux interrogations de celle du Havre, place parmi les causes de la détresse commerciale l’état incertain et agité de l’Europe, les craintes de guerre, rendues plus fortes par les énormes préparatifs militaires faits de tous côtés en dépit des assurances pacifiques des gouvernemens, le détournement à des usages improductifs d’un capital qui manque aux emplois reproducteurs de l’industrie. L’Europe, disent les négocians anglais, entretient près de trois millions de soldats au prix de deux milliards de francs consommés sans profit. Les faits relatifs à la France confirment à un haut degré ces appréciations des négocians de Liverpool. Si nos chambres de commerce avaient la faculté de chercher dans la politique les causes de perturbation industrielle qui en peuvent découler, elles auraient de justes plaintes à faire entendre. Nous voudrions donner à juger à une assemblée de sages négocians français les prodigalités des travaux de Paris. On les verrait, nous n’en doutons point, consternés de l’étourderie inconcevable avec laquelle on engloutit chez nous les millions par centaines dans la destruction d’immeubles florissans et dans les percemens de rues inutiles.

L’expédition que l’Angleterre prépare contre le roi Théodoros pour arracher ses captifs à ce tyran africain écornera sans doute le bel excé-