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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/1047

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dant du budget britannique. L’Angleterre, après avoir encouru les frais et les risques d’une guerre en Abyssinie, se contentera-t-elle, pour prix de sa victoire, de l’affranchissement des prisonniers ? Ne va-t-elle pas appliquer à l’Afrique orientale les procédés qu’elle a employés dans la conquête de l’Inde ? Ne fondera-t-elle point en Abyssinie quelque établissement durable qui lui assure la suprématie sur les régions du Nil supérieur ? N’ouvrira-t-elle point ainsi à l’esprit d’entreprise et au courant des émigrations européennes l’accès d’un nouveau continent ? C’est ce résultat possible qui appellera bientôt l’attention du monde sur la guerre anglaise en Abyssinie. Alors seraient fécondées par la politique ces héroïques et glorieuses explorations du cours supérieur du Nil, qui, en ces dernières années, ont excité une admiration universelle, et serait percé de plus en plus le mystère de l’Afrique centrale. Quoi qu’il en soit, cette guerre sera romanesque et a de quoi plaire aux hommes d’imagination et d’aventure. Une nouvelle issue sera ouverte à l’expansion de la race anglo-saxonne. C’est ainsi que cette race, avec l’activité que lui imprime le jeu de ses institutions intérieures, sort de son étroit foyer et s’échappe à tous les bouts du monde. On a à se défendre chez soi contre de tristes fenians qui assassinent les policemen dans les grandes villes d’Angleterre ; on a chez soi à guérir les plaies de l’Irlande, et on fait des conquêtes, des établissemens, des centres vivaces de population aux points les plus lointains du globe. Si la répression des fenians est nécessaire, le redressement des justes griefs de l’Irlande ne l’est pas moins. Quand on aura terminé le bill de réforme irlandais, il faudra faire cesser l’iniquité offensante des privilèges temporels de l’église d’Irlande. L’Angleterre serait bien inconséquente avec elle-même, si elle voulait maintenir longtemps encore la situation de l’épiscopat anglican de l’autre côté du canal. Elle a encouragé toutes les tentatives, applaudi à tous les efforts qui ont mené à la ruine le pouvoir temporel des papes. Comment pourrait-elle conserver au clergé d’une infime minorité en Irlande des avantages politiques et matériels disproportionnés aux services et à l’influence de l’épiscopat anglican ? Ici encore la présence des chefs du parti tory au pouvoir peut rendre plus faciles les changemens nécessaires. Établir la conformité de ses institutions intérieures avec la justice, tandis qu’il continue au dehors l’expansion de sa race sur tous les continens, quelle perspective pour un peuple qui a pris le parti mâle et sensé de préférer les réformes qui améliorent aux révolutions qui détruisent ! Mais en Angleterre, qu’on ne l’oublie point, si le peuple n’est point devenu révolutionnaire, c’est qu’il n’a jamais eu devant lui depuis bientôt deux siècles de gouvernemens infatués, aveugles et sourds aux positives leçons de l’expérience.

Nous sommes à la veille du jour où l’empereur d’Autriche doit accomplir son voyage de France. L’entrevue de Paris et de Compiègne corres-