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flancs, sa foi restait inébranlable, et l’on espérerait, venir effrayer tout un peuple ! Ah ! ils ne nous connaissent guère ! Le Christ est avec moi, que craindrais-je ? Son Évangile que je tiens est le bâton qui m’appuie. C’est là ma sécurité, c’est le port tranquille de mon âme. Les tempêtes qu’on souffle, les flots qu’on pousse, la mer qu’on lance contre moi, les fureurs des princes et des grands,… je ne fais pas plus de cas de tout cela que d’une toile d’araignée, et si notre affection mutuelle ne me retenait dans ce lieu, je ne ferais aucune difficulté d’aller ailleurs…

« Savez-vous, mes bien-aimés frères, pour quel motif on veut me perdre. C’est que je ne fais point tendre devant moi de riches tapis, que je n’ai jamais voulu me vêtir d’habits d’or et de soie, que je ne me suis point abaissé à satisfaire la gourmandise de ces gens-là en tenant table ouverte pour eux. La race de l’aspic domine toujours ; il reste de la postérité de Jézabel, et la grâce combat encore contre Élie. Hérodiade aussi est là, Hérodiade danse toujours en demandant la tête de Jean, et on lui donnera la tête de Jean, parce qu’elle danse.

Mes frères, c’est ici un temps de larmes. Tout se tourne vers l’infamie. L’or seul donne ici l’éclat et la gloire. Écoutez cependant ce que dit David. « Si vous possédez une abondance de richesse, n’y placez point votre cœur. » Et qui est-ce qui disait cela ? N’était-ce pas un homme élevé sur un trône royal ? Ne gouvernait-il pas son empire avec une autorité souveraine ? Eh bien ! jamais il ne jeta les yeux sur la fortune d’autrui pour y exercer des rapines ; jamais il n’employa sa puissance à détruire la religion. Il se mettait en quête de posséder des soldats plutôt que des trésors, et ne se montrait point dans son gouvernement l’esclave d’une femme. Oh ! malheur, malheur aux femmes qui ferment l’oreille aux avertissemens du ciel, et ivres, non de vin, mais d’avarice et de colère, assiégent leurs maris de mauvais conseils pour les entraîner à l’injustice !… »

Il y avait dans ce discours, fort clair d’ailleurs, un mot qui ne permettait aucun doute sur les intentions de l’orateur, mot plus fort que les allusions, si transparentes qu’elles fussent, mais qu’on ne peut rendre en français, parce qu’il joue sur le nom même de l’impératrice. Eudoxia veut dire en grec bonne renommée, honneur ; Adoxia est le contraire et veut dire déshonneur, infamie. Or, en disant que dans cet empire, qui n’avait plus de lois que le caprice d’Eudoxie, tout se tournait vers le déshonneur, Chrysostome s’était servi du mot adoxia, qui rappelait le nom de la femme d’Arcadius : on comprend aisément le reste.

Ce discours fut tenu le second jour après la condamnation, et