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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


de cet ennemi comme Sara une nuit durant sous la puissance de Pharaon, et toutes deux sont demeurées incorruptibles. Et de même que Sara sortit du palais de ce roi d’Égypte chargée de présens et de richesses, ainsi l’église de Constantinople est sortie de sa captivité plus brillante, plus pure et pouvant offrir au ciel les trésors de sa fidélité. »

L’évêque légitime avait triomphé de l’imposteur égyptien, le prêtre à son tour voulut triompher des puissances du monde ; Chrysostome le fit en couvrant d’éloges cette même Augusta, sa persécutrice, qui, sous le poids de la terreur courbait maintenant le front devant lui. Il exalta sa piété, l’appelant la mère des fidèles, la nourrice des solitaires, l’appui des pauvres, la protectrice des saints. Il raconta sa sollicitude pour le rendre à Constantinople, les différentes ambassades qu’il avait reçues d’elle, et il lut la lettre qu’elle lui écrivait la nuit précédente au lieu de son exil. Il y ajouta ces paroles qu’elle lui avait fait adresser oralement par un officier du palais au moment de son arrivée : « J’ai obtenu de faire la bonne action que je souhaitais avec ardeur. J’ai rendu la tête au corps, le pilote au vaisseau, le pasteur aux brebis, l’époux de l’église au lit nuptial. Ce succès m’est plus précieux que l’éclat de mon diadème. »

La paix était contenue dans cette déclaration de soumission à l’église et dans celle du prêtre qui l’acceptait. Tout se trouvait donc fini à Constantinople, au moins pour quelque temps, et il ne restait plus aux brouillons, aux envieux, aux lâches, qu’une seule chose à faire : fuir ou se cacher. En effet, le synode du Chêne se dispersa le jour même sans mener à fin le procès d’Héraclide. Sévérien de Gabales avait pris les devans en regagnant à grandes journées son diocèse. Quant à Théophile, que le peuple de Constantinople voulait jeter à la mer, s’il reparaissait, il s’embarqua pour l’Égypte avec ses vingt-huit suffragans, à Chalcédoine sans doute. Chrysostome, rentré en grâce près de l’empereur, ne cessa de solliciter la réunion d’un grand synode à Constantinople pour casser les actes du faux synode du Chêne et lui donner à lui-même la réparation canonique. L’empereur céda à son désir, et le décret fut signé. Ainsi se termina cette première et tragique atteinte à l’autorité, à l’honneur, à la vie de Jean Chrysostome.