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dynastie, mais dès cette époque, qu’il est impossible de faire remonter à moins de cinq mille ans, l’Égypte était déjà constituée en une monarchie théocratique telle que nous la retrouvons deux mille cinq cents ans après, et son organisation était déjà arrivée à sa forme définitive. Ainsi ce qu’Hérodote a dit de l’Égypte de son temps est en grande partie applicable à l’époque où s’élevaient les pyramides.

La chronologie de l’ancien empire égyptien, qui se termine à la XIe dynastie, a été dernièrement l’objet d’un travail approfondi dans le mémoire de M. de Rougé intitulé : Recherches sur les monumens qu’on peut attribuer aux six premières dynasties de Manéthon, et où l’auteur a discuté avec autant de sagacité que de méthode les résultats qui ressortent des témoignages fournis par les textes nouvellement découverts. Dans ces textes d’une prodigieuse antiquité, on voit se former ce respect sans bornes de la royauté qui se transforme en un véritable culte et finit par faire du pharaon le dieu visible de ses sujets. Les monarques égyptiens sont plus que des pontifes souverains, ce sont de réelles divinités. Ils nomment aux plus hautes fonctions sacerdotales, et ont par conséquent les prêtres sous leur dépendance. Toute la famille royale, les princesses comprises, était investie de fonctions sacrées, ce qui achevait de donner à cette monarchie un caractère éminemment théocratique. Dès la IVe dynastie, on voit le roi Chafra ou Safra, le fondateur de la deuxième des grandes pyramides, prendre le titre de fils de Ra, le dieu-soleil, et cette épithète devient plus tard l’accessoire obligé de tout nom de pharaon. Il s’intitule en même temps, « le dieu grand, le dieu bon, » il s’identifie avec la grande divinité Horus parce que, comme le dit une stèle traduite par M. Mariette, « le roi est l’image de Ra parmi les vivans. »

On peut voir à l’exposition égyptienne du Champ de Mars deux statues de ce pharaon, qui est le Chephren dont parle Hérodote et le Souphis II des listes de Manéthon. Ses traits respirent une majesté divine. Derrière sa tête est un épervier, symbole du soleil, qui étend sur lui ses ailes ouvertes en signe de protection. C’est que le prince, en montant sur le trône, se transfigurait, pour ainsi dire, aux yeux de ses sujets. De son vivant, il obtenait une complète apothéose. Voilà pourquoi il prenait une sorte de nom symbolique et mystérieux au moment de son intronisation. Ce nom se lit dès une époque reculée dans les légendes royales sur un étendard que surmonte un épervier couronné. Le titre officiel de « roi de la Haute et de la Basse-Égypte, » celui de « seigneur du vautour et de l’uræus, » qui a symboliquement le même sens, ne se séparèrent plus désormais de diverses épithètes destinées à exalter jusqu’aux cieux la grandeur du pharaon. Plus tard, le monarque, sera appelé « le seigneur soleil de justice, » parce que c’est de lui