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l’influende que devaient exercer des prescriptions observées héréditairement depuis trois ou quatre mille ans et peut-être davantage. Les physiologistes ont constaté que les qualités acquises durant plusieurs générations finissent par se transmettre avec le sang et passer à l’état d’instinct. La dévotion égyptienne devenait donc ainsi instinctive. Tout d’ailleurs était calculé en Égypte pour ne point laisser échapper l’homme par quelque côté au joug de la foi. Aux observances multipliées du culte venaient se joindre une foule de superstitions liées à la religion elle-même, et qui donnaient naissance à des rites constituant un culte nouveau, superstitions astrologiques, superstitions magiques, dont témoignent des papyrus qui ont exercé la sagacité d’égyptologues tels que MM. Birch et Chabas. Ainsi s’explique l’abondance des amulettes, des charmes, des talismans que nous fournit le sol égyptien, et dont on trouve à l’exposition du Champ de Mars une curieuse collection.

Les songes jouaient aussi un grand rôle dans les croyances de la terre de Misraïm ; ils étaient tenus universellement pour des révélations divines. Nous avons à cet égard de nombreux témoignages dans la Bible et les auteurs anciens, que les textes hiéroglyphiques n’ont fait que confirmer. L’importance qu’on leur attribua paraît surtout s’être augmentée au temps de la domination éthiopienne. Sous la XXVe dynastie, Sabacon, effrayé par un songe, se décide à quitter l’Égypte. C’est sur la foi d’un rêve que Séthos (le Sebichos de Manéthon, le Scha-ba-to-ka des inscriptions hiéroglyphiques) attaque le roi assyrien Sennachérib, campé devant Péluse. La superstition exerçait un empire encore plus absolu sur les Éthiopiens que sur les Égyptiens, dont ils subissaient l’influence religieuse et sociale. La théocratie arriva chez eux à son comble. Suivant Diodore de Sicile et Strabon, les prêtres éthiopiens jouissaient d’une telle autorité que, lorsqu’il leur en prenait fantaisie, ils envoyaient au roi l’ordre de se tuer. C’était surtout à l’aide d’oracles que ces prêtres dirigeaient le gouvernement. Une stèle expliquée par M. Mariette nous montre, sous un monarque éthiopien, les grands dignitaires décernant la couronne à celui qu’un oracle avait désigné. Cet oracle, comme ceux de l’Égypte en général, se manifestait par certains signes des simulacres divins que les prophètes interprétaient à leur guise. Ainsi il est rapporté qu’en Ethiopie celui des prêtres qui, dans une certaine procession, était touché accidentellement par l’idole, obtenait la couronne.

En Égypte, l’autorité absolue dont les rois étaient investis dut maintenir dans de plus étroites limites la puissance sacerdotale, car les prêtres, exerçant des fonctions civiles et même militaires, relevaient, directement à ce titre du souverain. Toutefois le pharaon ne dut pas pour cela échapper à l’influence d’hommes dont la