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religieux des guerres soutenues par les Égyptiens contre les nations étrangères. Ils sont le peuple des adorateurs du vrai Dieu, les exterminateurs des impies ; c’est pour la gloire d’Ammon-Ra qu’ils combattent. Écoutons plutôt les paroles que, sur une stèle de Karnak, la grande divinité du panthéon égyptien adresse à Thoutmès III, prince de la XVIIIe dynastie. J’emprunte la traduction de M. de Rougé. « Je suis établi dans ma demeure ; je t’apporte et te donne la victoire et la puissance sur toutes les nations. J’ai fait pénétrer tes esprits et ta crainte dans tous les pays, et ta terreur jusqu’aux limites des supports du ciel… Les princes de toutes les nations sont réunis dans ta main… Tu as pénétré chez tous les peuples, le cœur joyeux ; aucun n’a pu résister à tes ordres ; c’est moi qui t’ai conduit quand tu les approchais… Mon esprit, qui réside sur ta tête, a détruit tes ennemis. » Dans ce discours d’Ammon-Ra, chaque verset commence par ces mots : « je suis venu, » après lesquels se place le récit d’une victoire qui débute, invariablement par la formule : « je t’ai accordé de frapper…. » Le tout se termine par ces mots du dieu : « je suis établi sur le trône d’Horus pour des milliers d’années, étant ton image vivante pour l’éternité. » Le poème de Pentaour, que nous a conservé le papyrus Sallier, et qui célèbre le plus populaire des exploits de Ramsès II Meïamoun. (le Sésostris des Grecs), fait dire à ce monarque pressé par ses ennemis et déjà presque abandonné des siens : « Ammon abaissera ceux qui méconnaissent sa divinité… Opprobre à qui résiste à tes desseins,… bonheur à qui te comprend, ô Ammon ;… je te préfère à des myriades d’archers, à des millions de cavaliers, à des myriades de jeunes héros, fussent-ils tous réunis ensemble… Les ruses des hommes ne sont rien, Ammon l’emportera sur eux. »

Comme protecteur des guerriers, Ammon-Ra recevait le nom de Month ou Mantou ; c’était, dit M. de Rougé, la personnification du soleil qui darde ses rayons, dont l’action est mortelle sous le climat de l’Égypte aux heures les plus ardentes de la journée. Month correspond au Jéhovah Tsebaoth des Hébreux. L’exposition du Champ de Mars nous offre une charmante figurine en bronze de ce dieu. Il est représenté tenant de la main droite un glaive recourbé curieusement travaillé et ayant deux petites cornes sur le front ; sa coiffure est composée de trois bouquets de papyrus que l’on voit d’ordinaire sur la tête des dieux-enfans.

Les tableaux de combats dont les temples sont décorés et les légendes qui les accompagnent fournissent de précieuses indications pour la détermination des noms des villes et des contrées de l’ancienne Égypte, comme pour ceux des pays limitrophes où les pharaons ont tant de fois porté leurs armes. C’est ainsi que M. H. Brugsch a pu reconstruire dans un ouvrage justement estimé la