Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ravages périodiques des Anglais et les pillages réguliers des montagnards, mal défendus par la nature, ne pouvant fonder ni villes fortes ni centres puissans, vainquirent leur misère à force de labeurs et d’activité. Ce sont eux qui composent le fonds résistant et durable de la nationalité écossaise. Ni l’Anglais, dont le cœur ne bat point au souvenir de Robert Bruce, ni le highlander, qui descend des loups ravisseurs du nord, ne peuvent bien entrer dans les sentimens de cette nationalité. Une bien petite différence dans la langue élève quelquefois un mur entre deux nations. Les hommes de ces plaines prétendent avoir parlé, avoir écrit l’anglo-saxon le plus pur, le vrai idiome teutonique, sans aucun emprunt celtique, sans aucune souillure normande. Aujourd’hui cette barrière de la langue disparaît. L’anglais a prévalu, l’écossais proprement dit a ses heures comptées, et le docte Jamieson est venu à temps, il y a une trentaine d’années, pour en écrire le dictionnaire. Sauf la langue de M. Burton, qui nous paraît être de l’anglais fort pur et fort agréable, on aime à deviner en lui un vrai lowlander, un Écossais de la vieille roche, bon frère d’adoption de ses frères anglais, mais fier, maintenant ses avantages et ne cédant rien sur les droits et préséances. Les tenans et champions de l’antique cause nationale ne font jamais défaut de l’autre côté de la Tweed. John Bull aime sa sœur Margaret ; seulement il n’oublie pas assez qu’au moment où leurs fortunes furent mises en commun il était six ou sept fois plus riche qu’elle. Margaret n’a pas moins bonne mémoire que son frère ; elle lui prouve qu’ils sont d’aussi bonne maison l’un que l’autre, que durant leurs procès il a reçu d’elle plus d’un coup sensible, et qu’en fin de compte il n’a pas à se repentir du marché.

Grâce à Dieu et au bon esprit de la race saxonne, les questions de nationalité ne réveillent plus les vieilles haines. Elles ne sortent pas du domaine de l’histoire, et sur ce terrain paisible elles ne servent qu’à nourrir le zèle et à tenir en haleine les défenseurs de la vérité. Cependant il y a quelque ressemblance entre les combats d’érudition que se livrent les savans des deux pays et les anciennes batailles de la frontière où les deux peuples se prenaient corps à corps. De temps en temps, quelque plume anglaise engagée dans telle ou telle expédition historique se permet pour le besoin de sa cause une de ces excursions brillantes, une de ces chevauchées dont parle Froissart et qui laissaient l’Ecosse entamée ou meurtrie pour plusieurs années. Après un intervalle dont la durée dépend de l’importance de l’entreprise, quelque plume écossaise ne manque pas d’exercer des représailles, et avec des armes solides, sinon toujours éclatantes, fait sur le territoire de l’adversaire une de ces trouées peu chevaleresques, mais redoutables, que les Écossais appelaient des raids et dont les vieilles chroniques sont remplies.