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Conseillers anglais ont recouvré la parole. Aux trois questions précises que le roi a préparées, ils répondent nettement : 1° la question de succession à la Couronne d’Ecosse ne doit pas être résolue suivant la loi impériale ou romaine, elle doit l’être suivant la coutume, ce qui est synonyme de coutume anglaise ; 2° la succession à la couronne d’Ecosse ne doit pas être réglée autrement que la succession aux autres biens ; 3° ce n’est pas le descendant plus proche par la fille cadette, c’est le descendant plus éloigné par la fille aînée qui doit être appelé au trône. — Les conseillers écossais, pour lesquels ce sont autant de questions nationales, ne sont pas encore admis à parler. On se contente de demander aux deux compétiteurs si, après avoir entendu leurs conseillers, il font opposition aux solutions données par les conseillers du roi. Comme on pouvait le prévoir, les deux compétiteurs, invités à se prononcer, se soumettent d’avance à la décision du lord supérieur. Ils ne présentent qu’une observation en faveur de l’indivisibilité du royaume d’Ecosse ; remarquez qu’à ce moment chacun d’eux, conservant l’espoir d’être roi, ne veut partager avec personne. Ici Edouard prend la parole et déclare que Baliol, descendant plus éloigné de la famille royale par la fille aînée du roi David, paraît avoir les meilleurs titres. L’oracle s’est fait entendre. Alors seulement les conseillers écossais sont interrogés l’un après l’autre. Naturellement les quarante appartenant à Baliol approuvent cette opinion, les quarante appartenant à Bruce hésitent ; mais à quoi bon désormais ? ils finissent les uns après les autres par opiner du bonnet.

La comédie n’est pourtant pas achevée : ni le juge suprême ni les prétendans, excepté Baliol, ne sont pressés d’en finir. Les plaidoiries sur les droits respectifs des rivaux composent la quatrième partie de ce procès de succession. On y plaide aussi sur la question de l’indivisibilité. Tout à l’heure Bruce, espérant être roi, soutenait que la couronne n’était pas, comme un fief ordinaire, sujette à partage. Nous le voyons maintenant se ranger du parti de ceux qui veulent que l’Écosse soit divisée entre les descendans des filles du roi David. Tout ce qui précède montre assez qu’on se disputait la couronne comme une propriété ordinaire. Tant qu’on pouvait prétendre à la succession entière, on soutenait la thèse de l’indivisibilité ; la situation étant changée, on se trouve dans la position des héritiers déboutés de leurs prétentions de légataires universels et qui s’efforcent de conserver une part de la fortune qu’ils ne peuvent conquérir tout entière. C’est ici que Baliol reprend un air de dignité que la version des chroniqueurs ne permettait pas de prévoir. Il défend les derniers lambeaux de cette souveraineté que les compétiteurs et Bruce tout le premier déchirent à l’envi. Singulière