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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/225

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choisir cet exemple ; nous avons dû préférer celui qui se rapportait le plus directement à l’objet de ce travail, la nationalité écossaise, qui est l’inspiration première du livre de M. Burton.

Érudit avec la sagacité d’un habile avocat, historien avec la méthode précise du jurisconsulte, champion fidèle de l’Ecosse sans excès ni passion, tel est M. John Hill Burton. Ses qualités d’écrivain résident surtout dans le tour d’esprit que nous avons essayé de reproduire, en lui, le légiste et l’érudit sont aussi agréables et de la même manière que le narrateur. Autrefois le style était presque l’affaire capitale en histoire. Lord Clarendon rapporte qu’au commencement du XVIIe siècle les hommes de haute condition se distinguaient par leur attitude imposante. Une grande dignité dans les manières et une certaine raideur dans le cérémonial étaient admirablement propres à tenir les inférieurs à distance. Il en est de même de son ouvrage et en général de l’histoire dans les deux siècles qui ont précédé le nôtre. Elle tient à distance les autres genres de prose, qui en général chez nos voisins n’ont pas craint d’être populaires. A l’exception de Hume, dont la grâce sans apprêt a été longtemps un objet d’envie, tous les historiens anglais et écossais sont les aristocrates de la prose. Gibbon et Robertson ne sortent guère de leurs périodes pompeuses. Ce style, que l’imitation même de Voltaire n’a pu détendre, tenait à ce préjugé que les peintures de mœurs, les particularités, les anecdotes, étaient au-dessous de la majesté de l’histoire. Ce qui est vivant et varié, ce qui donne la couleur et le mouvement était laissé à la biographie, cette lecture favorite des Anglais. L’histoire se condamnait à l’abstinence par étiquette. Macaulay, en réclamant pour elle les mêmes libertés que pour la biographie et même pour le roman, a fait dans le domaine des Gibbon et des Robertson une révolution véritable. On peut même dire que Carlyle, quoiqu’il n’ait pas voulu faire école, a prétendu pousser plus avant et a travesti l’histoire en la rendant humoristique. Nous nous plaignions dernièrement qu’il eût été suivi dans cette voie, et que les caprices du speech politique fussent admis dans plus d’un ouvrage d’histoire. Il y a donc lieu de revenir à une juste mesure, et, sauf quelques tons trop familiers qu’il fera bien d’effacer, nous croyons que M. Burton l’a rencontrée. Certes rien ne vise moins à la majesté que sa manière discursive et facile, et nous n’avions pas besoin d’en être averti par quelques lignes de son Scot abroad, où il compare le style de Clarendon au sac de laine pesant et solennel du haut duquel le chancelier d’Angleterre préside la chambre des lords ; mais s’il ne guinde pas l’histoire sur un théâtre, il ne la ravale pas non plus, comme on le fait quelquefois, à la fantaisie et à la parade. Il n’a pas l’élégance et le fini qui font