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visible qu’il n’y aura plus de sécurité sur le continent européen tant qu’un nouveau droit public ne sera point fixé. Quand on considère les résultats des événemens d’Allemagne, il faut bien se demander si le traité de Prague n’a pas les caractères d’une trêve, ou s’il possède les conditions d’une paix définitive qui fixe d’une façon satisfaisante et durable les rapports réciproques de la Prusse avec l’Allemagne, de la Prusse avec la France et l’Autriche. Le traité de Prague est manifestement une œuvre inachevée et qui poursuit son développement. Il n’est pas vieux d’une année, et l’on peut voir déjà combien il a dépassé ses limites au profit de la politique prussienne. La politique française croyait avoir tracé ces limites par les bases de médiation de Nikolsbourg. La digue diplomatique a été débordée, elle a éclaté de toute parti les situations respectives sont devenues très différentes de ce qu’elles étaient le lendemain du traité de Prague. Le cabinet des Tuileries acquiesçait à Nikolsbourg à la division de l’Allemagne en trois groupes politiques et militaires ; c’est ainsi que dans la circulaire de M. de La Valette on faisait valoir, il y a un an, au prétendu avantage de la France les effets de la dissolution de l’ancienne confédération germanique ; c’est ainsi que M. Rouher, il y a six mois, rappelait le même argument en l’illustrant de l’apologue des trois tronçons. La Prusse a eu bientôt franchi les barrières qu’on croyait lui avoir opposées. Elle a fait par ses traités prompts et secrets l’union militaire avec les états du sud. Les esprits vagues et irréfléchis n’ont vu dans ce travail de la Prusse sur les états du sud que les effets d’une ambition générale et connue. Au point de vue politique, au point de vue militaire, la solidarité de guerre établie entre la Prusse et l’Allemagne méridionale apportait aux choses un changement énorme au détriment de la France. L’intérêt politique et militaire d’un grand pays comme le nôtre est un objet précis, positif, pratique, qu’on ne peut laisser déjouer avec insouciance par des sophismes mis en avant au nom de l’ambition égoïste et impatiente d’une puissance étrangère. L’établissement militaire de l’Allemagne sur la rive gauloise du Rhin a pour nous, Français, un caractère très différent, suivant que ses forteresses sont, comme dans l’ancien système, aux mains d’une confédération organisée pour la défensive et privée de puissance d’agression, ou appartiennent, comme cela devait être avec l’Allemagne à trois tronçons, à de petits états impuissans à nous attaquer, ou bien sont livrées par une alliance militaire permanente de leurs faibles possesseurs à une puissance qui concentre en elle des forces de guerre de premier ordre. C’est évidemment cette série de forteresses situées sur la rive gauche du Rhin qui irritait l’empereur, quand il dénonçait dans les discours d’Auxerre les traités de 1815, et pourtant elles ne pouvaient point alors être de grand usage contre nous à la confédération germanique. Elles nous humilieraient et nous menaceraient, bien davantage au contraire, si, étant en querelle avec la Prusse, celle-ci, par ses traités avec la Hesse, Bade et la