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systématiquement arrangés les situations où apparaissent les causes d’un antagonisme aussi vaste. L’essentiel est d’entrer dans l’action avec des résolutions bien arrêtées sur la limite de tolérance qu’on accordera à l’adversaire, de porter aux affaires une application énergique et persévérante, de se préparer à être fort quand l’occasion viendra. La tâche de la France et de l’Autriche, si elles marchent ensemble, sera naturellement d’abord la défensive, ce qui permet de garder dans les transactions ou dans les polémiques de diplomatie l’attitude et le langage pacifiques. Nous sommes convaincus pour notre compte que, tandis que les choses resteront dans la région des discussions, ce serait pour la France un avantagé moral décisif de posséder la liberté, non celle de tolérance et d’espérance, mais la liberté avec ses garanties, par laquelle l’âme des grandes nations vit, se manifeste et se prépare aux grandes actions. On jugera du patriotisme de notre gouvernement par son action envers les libertés publiques, par le concours qu’il prêtera pour élever la préparation morale du pays au niveau des intérêts patriotiques mis en jeu. Il faut éviter de se tromper à la frivolité des surfaces ; il faut bien que l’on sache dans le gouvernement et en Europe que chez les meilleurs citoyens de France la fibre patriotique est vivement, douloureusement remuée. Les plus libéraux, les plus pacifiques, les plus sincèrement dévoués au progrès populaire, commencent à sentir et à prêcher avec une mâle conviction les devoirs du patriotisme le plus rigoureux, le plus positif, le plus exclusif. Ceux qui en ce moment taquinent la France et la bravent la prennent pour un peuple cosmopolite, excellant à exercer l’hospitalité d’une exposition universelle. On aura bientôt fait de nous rapprendre les exigences et les passions du juste égoïsme national. Il a paru depuis quelque temps des publications remarquables, symptôme d’un mouvement d’idées qui grandit, se fortifie et s’exalte. L’académie couronnait, il y a peu de temps encore, le livre de M. Théophile Lavallée sur nos frontières naturelles ; nous citions, il y a quinze jours, un vigoureux écrit de M. de Jouvencel, où, sous ce titre, le droit des Gaules, et par des raisons qui ne peuvent être contredites en France, l’auteur revendiquait la restitution ou l’achèvement de la vieille et permanente géographie politique de notre patrie. Un livre plus important est celui de M. Marc Dufraisse : l’Histoire du droit de paix et de guerre de 1789 à 1815. L’énergie du sentiment patriotique de notre ère révolutionnaire est toute vivante dans ce volume. Le cri du patriotisme blessé y prend parfois un accent trop désespéré ; mais quels enseignemens irréfutables que ceux que M. Dufraisse tire des débats de nos immortelles assemblées révolutionnaires comparés aux événemens de la carrière de Napoléon ! Avec le droit de guerre ou de paix réservé aux représentans du peuple, on ne se borne point à sauver l’indépendance nationale ; par des traités opportuns et habilement modérés, on accroît le territoire de la France, et on obtient légitimement la frontière du Rhin. Avec le despotisme d’un seul et encore