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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/243

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d’un génie, on a les guerres d’ambition, d’usurpation, de conquête, de caprice ; on rompt arbitrairement dans les temps prospères les paix glorieuses, on repousse dans les revers les paix honorables et sensées, et on finit par abandonner deux fois la France à la flétrissure de l’invasion étrangère. La leçon est d’hier ; elle fut accablante. Sous la lumière des circonstances où nous sommes, elle reprend une autorité saisissante. Il ne devrait point être permis dans la civilisation moderne qu’une nation fût entraînée à une guerre par la volonté d’un seul, que sa participation à la résolution de guerre ou de paix ne lui fût pas demandée d’avance, alors que la question restait entière et que la politique possédait encore intacte sa liberté d’action. L’empereur n’aurait point à regretter les revers qu’il a aujourd’hui le loyal bon goût de ne point dissimuler, si la France avait pu, avant que les choses fussent engagées, être consultée sur l’entreprise du Mexique et la transformation de l’Allemagne. On aurait écarté la pensée de fonder un empire au Mexique, on se fût bien gardé de prêter à la Prusse l’alliance de l’Italie, doublée de notre neutralité attentive. Qu’on suppose que, par un accord général et simultané, le droit de guerre et de paix fût abandonné par les souverains dans tous les états européens, et qu’on se demande si après une abdication si humaine il resterait des chances de guerre.

Quoique les circonstances et des coïncidences manifestes d’intérêt rapprochent aujourd’hui la France de l’Autriche, nous faisons des vœux sincères pour que les événemens ne produisent point la nécessité d’une alliance active des deux puissances. L’alliance autrichienne n’est point un fait nouveau dans notre histoire et ne nous a jamais porté bonheur. Nous ne parlons point de celle que Napoléon improvisa avec sa brusquerie ordinaire, et qu’il poussa jusqu’à l’union des familles. Le présent rappellerait plutôt les analogies du XVIIIe siècle, — après l’étourderie sénile de Fleury, mystifié par Frédéric II, la résolution étroite et inflexible de Louis XV d’être et de rester l’allié de la cour de Vienne. Ce fut une idée fixe de ce monarque dans la seconde moitié de son règne. Louis XV eut une autre idée fixe qui pourrait reprendre encore de la puissance dans notre époque, si l’Autriche avait un tempérament énergique, et si nous avions à soutenir une lutte contre la Prusse unie à la Russie. Louis XV eut la préoccupation constante des périls de la Pologne ; ce fut la question de son règne à laquelle il s’intéressa le plus. Tout le monde sait aujourd’hui qu’elle fut pendant vingt-cinq ans l’objet constant de sa diplomatie secrète ; mais l’alliance de la cour de Vienne ne lui fut d’aucun secours pour le salut de la Pologne. La participation de l’Autriche au partage fut au contraire le commencement de la série des fautes qui ont affaibli la maison de Habsbourg. Aujourd’hui comme au XVIIIe siècle, une alliance de simple coquetterie entre Paris et Vienne serait énervante et décevante. Il faut se souvenir de nos fautes du XVIIIe siècle afin de ne point les recommencer.