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certitude d’un accroissement du revenu des impôts. On estime qu’il faudra et qu’on pourrait déjà par des taxes nouvelles, rudes sans doute, mais supportables obtenir une augmentation de 100 millions pour le revenu de l’Italie. Le budget ordinaire étant ainsi renforcé, on eût comblé avec le produit des biens du clergé les déficits antérieurs sans appréhension de déficits futurs. Aujourd’hui au contraire, en se servant de la réalisation des propriétés ecclésiastiques pour faire face aux besoins journaliers, en omettant de préparer l’augmentation du revenu ordinaire, on marche les yeux ouverts à une impuissance radicale. Pour consentir à faire ainsi en matière de finances de la politique au jour le jour, M. Rattazzi doit être doué d’un bien rare et insouciant optimisme. Les circonstances où l’Italie est aujourd’hui placée demanderaient plus d’application chez ceux qui la gouvernent et récompenseraient d’ailleurs cette application par des facilités qui n’avaient été encore à la disposition d’aucun cabinet italien. Le devoir de l’application est pressant pour les gouvernans italiens, car leur pays a des dettes considérables et urgentes. La facilité de régler la situation financière est plus grande qu’autrefois, car il n’y a plus d’inconnu dans les frais d’établissement de l’unité nationale ; le chiffre du déficit est arrêté, il n’y a plus qu’à le couvrir par des réalisations de ressources et à en prévenir le retour par la diminution possible des dépenses et un accroissement certain de revenu. M. Rattazzi aurait dû faire servir la majorité qui s’est formée autour de lui à la solution immédiate et non à l’ajournement par temporisation du problème financier de l’Italie.

Les maladies qui dominent dans ce qu’on pourrait appeler l’hôpital de la politique européenne sont les maux de langueur, les plaies paresseuses et inguérissables. Sur plusieurs points, le mal et la douleur se trahissent par des agitations partielles, par de lents soubresauts ; mais la maladie n’est pas assez énergique pour s’épuiser dans une crise ardente ou pour emporter le patient. L’Espagne ne révèle-t-elle pas son malaise de cette façon par de petites insurrections locales sans portée avouée et sans nom, et par les rigueurs de son gouvernement impuissantes à fonder l’ordre régulier ? Les agitations des populations chrétiennes de la Turquie d’Europe, ostensiblement fomentées d’ailleurs par des propagandes ambitieuses, sont un cas pathologique du même genre. Elles sont la conséquence d’une lésion dont le malade ne peut se guérir, et qui ne peut tuer le malade. L’heureux effet d’une entente active de l’Autriche et de la France s’accommodant au bon sens et à la rectitude de la politique anglaise serait peut-être de calmer par des moyens sains et honnêtes la fermentation du détritus des races orientales. Il faudrait qu’il fût établi par les manifestations positives des grandes puissances qui prendraient une bonne fois la tutelle des races chrétiennes orientales et obtiendraient pour elles de légitimes satisfactions que nous ne souffririons point leur