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leur appui revendiquer au moins la couronne. Il apprit que ce malheureux, malgré tout ce qui lui était arrivé, regrettait Jérusalem, la Judée, ses vieilles habitudes. Il sut l’attirer près de lui par les offres les plus flatteuses, le combla de marques de déférence, lui fit croire qu’il partagerait le pouvoir avec lui, ne lui en donna pas un atome et ne lui laissa pas même la liberté d’aller et de venir à sa guise. Il avait du reste un autre ennemi à craindre, encore un Asmonéen, petit-fils d’Aristobule et de même nom que son grand-père. Trait caractéristique du temps ! les Asmonéens paraissent avoir été de fort beaux hommes ; ce dernier surtout était d’une beauté masculine achevée. Sa mère, qui savait que tout en Palestine dépendait d’Antoine et qu’Antoine à son tour dépendait de Cléopâtre, n’imagina rien de mieux, pour persuader la reine d’Égypte du bon droit de son fils, que de lui envoyer son portrait. Aussitôt Cléopâtre fut d’avis qu’un si bel homme ne pouvait avoir tort, et Hérode fut contraint par ses protecteurs de le recevoir à Jérusalem et de lui conférer le pontificat. Idolâtré du peuple, Aristobule devenait un danger. On sut l’attirer à Jéricho sous prétexte d’une partie de plaisir, et tandis qu’il se baignait, des affidés d’Hérode, faisant mine de badiner avec le jeune homme, lui tinrent la tête sous l’eau si longtemps qu’il étouffa. Cléopâtre ne voulut jamais admettre que son beau protégé fût mort par accident, comme on voulait le lui faire croire, et Antoine fronça son redoutable sourcil ; mais Hérode alla le trouver à Laodicée et fit encore si bien par son éloquence et ses cadeaux qu’il revint absous et même avec un lopin de territoire de plus à l’est du lac de Tibériade. Cléopâtre ne lui pardonna pas si aisément et travailla secrètement à sa ruine. Elle alla jusqu’à recourir à son grand moyen, c’est-à-dire à ses charmes, pour le pousser au seul faux pas peut-être qui eût trouvé Antoine inexorable. Le fin renard flaira le piège et se tint coi. Bientôt retentit la nouvelle que la bataille d’Actium était perdue, et Antoine avec elle. On crut généralement que la ruine d’Hérode suivrait celle de son protecteur. On se trompait. Hérode eut l’art de séduire Octave comme il avait séduit Antoine, mais non plus de la même manière. Avec une humilité de bon goût, il fit preuve, devant celui que le monde allait appeler Auguste, de talens administratifs et de vues politiques très hautes, qui firent que le vainqueur d’Actium, reconnaissant en lui un homme, supérieur, aima mieux s’assurer ses services que de compliquer l’état incertain de l’Orient par un changement dynastique en Palestine. Hérode revint donc tout glorieux à Jérusalem, où, pour comble de bonheur, il apprit que Cléopâtre, n’ayant pas réussi à séduire Octave, n’avait plus qu’à se tuer. Octave, pour cimenter l’alliance qu’il venait de conclure avec Hérode, lui fit cadeau de nouveaux territoires en