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indépendantes, la Cilicie, la Commagène, Émesse, Édesse, l’Arménie, l’A-diabène, Chalcis, etc. Tout cela formait un monde à part, peu redoutable, mais remuant. Il se trouvait dans tous ces petits états des juiveries qui considéraient la Judée comme leur vraie patrie et qui regardaient de loin Hérode avec des sentimens qu’on ne partageait guère à Jérusalem. Qui sait ce que l’avenir réservait à ce prince ou à ses fils dans la supposition d’une dislocation de l’empire ? Signalons quelques faits de nature à marquer ce double courant de la politique hérodienne.

Hérode fit construire un théâtre et un cirque à Jérusalem, célébrer le cinquième anniversaire de la bataille d’Actium, rebâtir magnifiquement Samarie sous le nom de Sébaste ou Augusta, agrandir le havre de la Tour-de-Straton de manière à en faire un très beau port sous le nom de Césarée-sur-Mer. Il y eut à l’entrée de ce port deux statues colossales, dont l’une représentait à volonté l’empereur Auguste ou Jupiter Olympien, dont l’autre pouvait tout aussi bien passer pour la ville de Rome personnifiée que pour Junon Argienne. C’est là que siégèrent plus tard les procurateurs romains. Beaucoup de localités nouvellement fondées ou reconstruites portèrent les noms de la famille impériale et ceux aussi de la famille hérodienne. En même temps Hérode aimait à se rendre populaire dans les pays voisins. Il faisait bâtir dans une foule de villes des thermes, des portiques, des théâtres et des temples. Antioche lui dut d’être pavée en marbre et entourée de galeries à colonnes. Les îles de l’Archipel, l’Asie-Mineure elle-même, eurent part à ses libéralités. Il y eut aux jeux olympiques des prix distribués au nom d’Hérode, roi des Juifs. Il songeait en outre à faire oublier à ses sujets son origine de parvenu. Non content de s’être allié par son mariage avec Marianne à la famille asmonéenne, il avait imaginé de se fabriquer une généalogie qui le faisait descendre d’une famille juive déportée à Babylone, et, pour qu’on ne pût lui prouver le contraire, il avait fait brûler les archives du sanhédrin qui contenaient les tables généalogiques des familles revenues de la terre d’exil. Enfin il crut cimenter à jamais l’alliance de sa dynastie avec le peuple juif en attachant son nom à la reconstruction du temple sur un plan grandiose. C’était presque se substituer à Salomon dans la vénération de la postérité. Il eut à vaincre bien des soupçons avant de faire agréer son projet aux chefs du parti religieux, mais il finit par y réussir, et le peuple juif ne tarda pas à être très fier du beau grand temple qui remplaça l’humble bicoque dont on s’était contenté depuis le retour de Babylone. Il faut avouer que.tout cela était, fort habile et ne manquait pas de grandeur.

Pourtant la situation réelle ne répondait pas à ces brillantes