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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/477

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d’immoler une bête vivante. les riches en offrent une grande quantité, quelquefois par milliers, comme nous l’avons déjà indiqué en parlant du sultan Moktéder. Une partie de la viande est mangée sur place. Les pauvres Mekkaouis en emportent le plus qu’ils peuvent pour la saler. Ce qu’il en reste, le grand-chérif doit payer des hommes pour le faire enterrer et couvrir de chaux ; mais ce service est très mal fait. Les deux Européens qui à quarante ans d’intervalle sont allés à La Mecque pendant le pèlerinage l’ont constaté. Dès le second jour qu’y passa Burckhardt, les moutons immolés commençaient à se corrompre et à répandre une infection épouvantable dans quelques parties de la vallée. « Plusieurs millions d’animaux, dit Burton, parmi lesquels on compte des chameaux et des bœufs, sont égorgés presque au même moment, et à un signal donné les takrouris, réunis en masse pour profiter de cette boucherie, se précipitent au milieu des victimes et les dépècent sur placer Dès le lendemain sous l’influence d’un soleil ardent, ce lieu devient pestilentiel. Jamais cependant aucune précaution n’est prise pour prévenir les conséquences du voisinage d’un pareil charnier » Le baron de Maltzan éprouva une impression si pénible à la vue de cette boucherie qu’il ne put rester à Muna, et partit sur-le-champ au galop pour retourner à La Mecque. Il faut indiquer aussi, comme une cause d’infection, le peu de soin avec lequel les morts sont enterrés. Le bois est rare dans le Hedjaz. Ce n’est guère que pour les pèlerins riches qu’on peut fabriquer une bière. les corps des pauvres sont déposés dans des trous à peine creusés et recouverts d’un peu de sable.

Enfin une autre condition défavorable aux pèlerins est la rapidité de leurs mouvemens. À peine de retour de l’Arafat, soit par économie, soit pour empêcher que l’impression produite par la vue des lieux saints ne s’émousse, le signal du départ est donné avant que les hadji aient eu le temps de se reposer d’un voyage qui n’est réellement qu’une suite non interrompue de fatigues et de privations. Aussi quelle différence dans l’aspect de La Mecque à l’arrivée, et au départ des pèlerins ! « La Mecque, dit Burckhardt, et c’est le dernier trait que nous emprunterons à cet excellent guide, La Mecque ressemblait à une ville abandonnée. Dans ces rues, où quelques semaines auparavant il fallait se frayer péniblement un passage à travers la foule, on n’apercevait plus un seul pèlerin, excepté quelques mendians isolés qui élevaient leurs voix plaintives vers les fenêtres des maisons qu’ils supposaient encore habitées. Les gravats et l’ordure couvraient toutes les rues, et personne ne paraissait disposé à les enlever. Les environs de La Mecque étaient jonchés de cadavres de chameaux dont l’odeur, empestait l’air, même au centre