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nécessairement à ces fatalités ? C’est la suite d’une série ininterrompue de déviations et d’erreurs, de l’acharnement de toutes les forces politiques à s’entre-détruire, d’une véritable dissolution de tous les éléments qui ont fait la sécurité et le prestige de la monarchie constitutionnelle à sa naissance. C’est l’œuvre de tout le monde, — à commencer par la royauté elle-même, qui n’a pas assurément peu contribué à ses propres mésaventures, — et le signe le plus sensible de cette phase nouvelle dans ces dernières années a été la retraite systématique, absolue, du parti progressiste et du parti démocratique. Le jour où, saisissant le prétexte d’une circulaire qui interdisait les réunions électorales, le parti progressiste s’est exilé volontairement de la vie publique, ce jour-là il a renoncé à toute action légale, il a commencé cette évolution qui devait le conduire rapidement à une émigration nouvelle, aux conspirations, à toutes les tentatives révolutionnaires. L’abstention a été une déclaration de guerre faite en commun par les progressistes et les démocrates. Ce n’est pas que les deux partis aient les mêmes idées et le même but. La vieille fraction progressiste qui conspire aujourd’hui, qui a M. Olozaga pour conseil et dont le général Prim a l’ambition d’être le chef militaire, cette fraction n’a pas rompu absolument avec toute idée monarchique, elle met seulement son espoir dans une monarchie nouvelle qu’on fabriquera je ne sais comment, en allant chercher je ne sais quel prince. Elle a peu de goût pour le suffrage universel, même pour la liberté religieuse. Le parti démocratique, jeune ardent, peu nombreux, est au fond républicain, et avec tous les principes du libéralisme européen il se fait un programme qui n’a qu’un malheur, celui d’avoir probablement fort peu de chances en Espagne. — Les progressistes croient encore aux insurrections militaires et ils ne croient peut-être sérieusement qu’à celles-là ; les démocrates et c’est du moins leur mérite, se fient peu aux révoltes militaires, aux généraux affamés de dictature : ils croient théoriquement au peuple qui ne les connaît pas, qui ne les suivrait pas, et, n’ont aucun enthousiasme pour le pouvoir, d’un soldat ; mais entre les deux partis le lien est la guerre à la monarchie actuelle. C’est le point de jonction entre les vieilles rancunes de M. Olozaga, la turbulence ambitieuse du général Prim et les aspirations démocratiques. De là ce qu’il y a tout à la fois de menaçant et d’incohérent dans tous ces mouvemens qui se succèdent depuis quelques années, et dont l’abstention des progressistes a été le signal.

Ce ne serait rien si en face de ce camp de l’action révolutionnaire il y avait au moins deux choses : une ; monarchie intacte, gardant son prestige aux yeux du pays, et une force d’action régulière, organisée, unie dans la défense de la légalité constitutionnelle.