Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/491

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parts dans les quartiers populaires de Madrid. le général O’Donnell, qui depuis quelques nuits ne se couchait plus, attendant le matin pour prendre quelques instans de repos et se tenant prêta un combat qu’il sentait dans l’air sans pouvoir l’empêcher, O’Donnell avait à peine le temps de monter à cheval pour aller reconnaître une situation qui du premier coup paraissait singulièrement alarmante. Il parcourut la rue d’Alcala, où il fut rejoint bientôt par le général Serrano et par quelques autres officiers. Ce qui l’inquiétait à cette première heure, c’était la sûreté du palais. Le moment était donc venu pour lui de saisir corps à corps ce fantôme de révolution qui le poursuivait depuis quelque temps ; plus d’une fois il avait promis de livrer bataille à l’émeute, si elle osait descendre dans la rue, et il n’était pas homme, il faut le dire, à se laisser ébranler par le péril.

A quoi tint ce jour-là que l’insurrection ne devînt pas une révolution ? On en fut certainement très près. Tout semblait en vérité favoriser une catastrophe ; tout était assez habilement calculé, au moins quant aux préliminaires. Le mouvement devait éclater sur plusieurs points de l’Espagne à la fois, mais particulièrement à Madrid, où un succès qu’on croyait possible pouvait tout décider. La plus grande partie de la garnison était gagnée, et dès le matin effectivement des symptômes de mutinerie se manifestaient dans divers régimens, notamment dans le régiment d’infanterie du Prince. Les premiers corps insurgés de la caserne de San-Gil disposaient de plus de trente pièces d’artillerie, et ils n’auraient eu qu’un mouvement à faire pour tenir le palais de la reine sous le feu de leurs canons, de même qu’un acte d’audace les eût mis sans difficulté en possession du ministère de l’intérieur et du télégraphe au centre de la ville. Les progressistes et les démocrates, — les démocrates encore plus que les progressistes, — se jetaient dans la lutte, appelant aux armes tout ce qu’il y avait à Madrid de soldats de la révolution, et quelques-uns des chefs de partis allaient eux-mêmes aux barricades. Aux yeux de bien des personnes, dès le matin, la partie semblait totalement perdue pour le gouvernement, et sans doute pour la reine elle-même, tant l’insurrection paraissait avoir l’avantage, tant on était convaincu de la défection inévitable de l’armée. A quoi tint donc, encore une fois, que ce commencement de victoire se changeât bientôt en une défaite sanglante pour l’insurrection ? D’abord a la vigueur foudroyante de la défense conduite par O’Donnell, à la courageuse activité du général Serrano, qui entre tous se prodigua ce jour-là, et aussi à l’éergie avec laquelle le colonel Chacon, commandant du régiment du Prince, réussissait à raffermir ses troupes et même à les mener au combat. Un instant