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pricieux des esprits mal faits qui cherchent à les éluder. Or c’est une loi naturelle que des nations honnêtes et laborieuses ne soient point, malgré elles et à leur insu, entraînées dans des guerres redoutables, les violations de cette loi naturelle trouveront à un jour donné leur limite infranchissable et leur expiation méritée. Que des accidens passagers, et par exemple la ridicule déconvenue du congrès de Genève, n’ébranlent donc point notre foi dans les principes. Dans toutes les voies de la politique, les erreurs et les fautes rencontrent leurs peines ; il n’en est pas autrement dans le terrible chemin qui mène les gouvernemens absolus à la guerre.

Heureux quand on s’aperçoit assez tôt des fautes pour en prévenir à temps les conséquences extrêmes ! C’est peut-être un acte de prudence réparatrice de ce genre qui est en train de s’accomplir en ce moment dans une branche importante des travaux intérieurs de la France. Nous voulons parler du secours que la Banque serait, dit-on, à la veille de donner à une entreprise qui représente des intérêts considérables, et dont les opérations se sont étendues depuis plusieurs années sous le patronage de la compagnie du Crédit mobilier. Parler de la situation ou se trouve la Compagnie immobilière, ce n’est point s’éloigner du terrain de la politique. Tout le monde sait que l’embellissement de Paris, le percement des larges voies, des longs boulevards, ont été, à l’intérieur, une des affaires les plus considérables du règne. Au début de ce travail prodigieux et si impatiemment accéléré d’expropriation, de démolition, de trafic de terrains et de maçonnerie, la Compagnie immobilière a joué le principal rôle. On lui doit l’achèvement de la rue de Rivoli, les boulevards de Malesherbes, de Monceaux et du prince Eugène, la construction des grands hôtels conçus d’avance pour héberger les caravanes de pèlerins de l’exposition universelle, la rue Impériale de Marseille, le quartier du nouvel Opéra. Quel que soit le jugement que l’on porte sur la manie de la transformation de Paris, ceux qui y voient la réalisation d’une pensée politique importante sont obligés de reconnaître dans la Compagnie immobilière un agent hardi, ardent et puissant de cette pensée. Malheureusement la situation financière présente de cette compagnie démontre que son zèle a passé la mesure, et n’a pas tenu un compte assez attentif et assez prévoyant des circonstances économiques.

La Compagnie immobilière s’est trompée et dans ses espérances sur la prompte réalisation de son actif et dans ses calculs sur le concours qu’elle pouvait attendre du crédit. Elle n’a point obtenu l’écoulement rapide de ses terrains ou de ses immeubles ; le crédit facile et courant, venant du public, lui a fait défaut. Elle a été obligée de contracter une dette de 70 millions auprès du Crédit foncier et une dette d’une importance égale en comptes courans auprès du Crédit mobilier. Elle s’est trouvée arrêtée dans une impasse. On estime que, pour reprendre la