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liberté de ses mouvemens et pour arriver à liquider son actif sans le déprécie, elle aurait besoin d’un accroissement de ressources d’une centaine de millions. Directement et seule, il lui est absolument impossible d’obtenir du public un concours de cette importance. Ce ne serait qu’avec une garantie de revenu donnée par l’état ou par l’administration municipale de Paris, dont elle a été d’abord l’actif auxiliaire et qui lui a suscité ensuite des concurrences ruineuses par l’ubiquité et l’impatience de ses entreprises, qu’elle pourrait obtenir 100 millions par l’émission de nouveaux titres. Or, en admettant que l’état ou la ville fût amené à donner une pareille garantie en considération du retentissement que la ruine de la compagnie aurait il Paris et à Marseille sur la situation générale de la propriété immobilière, une pareille mesure ne peut être prise par une résolution immédiate, il y faudrait la sanction des chambres. La situation était pressante. De prêteur trop confiant et trop complaisant à l’origine, le Crédit mobilier était devenu prêteur besoigneux lui-même. Un établissement de banque ne peut pas immobiliser longtemps plus de la moitié de son capital en des avances qui prennent le caractère de la permanence. La paralysie de la Compagnie immobilière devenait contagieuse pour le Crédit mobilier. Toutefois on ne pouvait sortir de difficulté par une solution actuelle et définitive.

On ne nous contredira certes point si nous disons que cet embarras simultané de deux grandes compagnies autour desquelles gravitent tant d’opérations et tant de capitaux engagés constituait une grave question politique. Tout ce mouvement imprimé dans Paris à la transformation de la richesse foncière pouvait-il aboutir à un éclat sinistre ? La solution définitive n’étant point à portée, on a pris des arrangemens provisoires. On s’est adressé à la Banque de France pour un emprunt temporaire, Les membres du conseil du Crédit mobilier ont joint leurs engagemens personnels à ceux de la compagnie pour un emprunt de 37 millions et demi renouvelable pendant trois années. La Banque de France, retenue dans la limite de ses statuts, n’aurait pu consentir à prêter une somme supérieure, les titres que les emprunteurs avaient à lui offrir au-delà de leurs engagemens personnels n’étant point de ceux sur le dépôt desquels elle est autorisée à faire des avances. Ce prêt de 37 millions détendra la situation de la Compagnie immobilière et du Crédit mobilier, et permettra d’attendre le moment où une combinaison plus complète sera possible. Nous ne croyons pas que, dans des circonstances si critiques, il fût convenable de troubler par des récriminations sur les fautes commises dans la direction passée de ces deux compagnies les efforts réparateurs qui sont tentés pour prévenir une perturbation profonde. On ne peut cependant oublier la différence de système qui séparait la direction du Crédit mobilier de celle de la Banque. Quelle véhémence de polémique n’eurent point à subir les principes et les hommes de la Banque quand