Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/522

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une cinquantaine de dissidens libéraux se réunissant dans un salon de la chambre), qui a refusé de concourir aux amendemens décisifs que M. Gladstone voulait opposer au bill de M. Disraeli. Le parti libéral est donc en travail de décomposition. Ce sont là les bucoliques de la politique anglaise ; la chose sérieuse, c’est l’enquête sur les coalitions d’ouvriers, les trades’unions. L’opinion publique s’applique avec bon sens et vigueur à cette curieuse étude sociale.

Les mœurs politiques sont plus rudes aux États-Unis ; il faut admirer cependant comment dans cette jeune et brutale république on fait des efforts souvent heureux pour arriver à des résultats de bon sens à travers la violence des procédés. C’était de la part du président Johnson un acte grave et difficile que de révoquer le ministre de la guerre, M. Stanton. Par-delà M. Stanton, le président voulait surtout atteindre le général Sheridan, qui exerçait, suivant lui, avec trop de rigueur son commandement de la Nouvelle-Orléans. Parmi les renommées créées par les vicissitudes de la guerre civile, il n’en est point de plus populaire que celle de Sheridan. Quoique n’ayant point exercé le commandement en chef, Sheridan a été un inventeur militaire dans ces gigantesques campagnes. C’est lui qui avait organisé et qui a commandé dans les mouvemens et les actions les plus vives cette cavalerie qui n’était au fond qu’une infanterie montée, et qui remplissait avec tant de célérité et de vigueur les services des deux armes. Les dernières journées de la lutte où il harassa l’intéressant général Lee et les héroïques débris de l’armée du sud en les tournant dans tous leurs mouvemens ont attaché à son nom un lustre militaire qui est arrivé jusqu’en Europe. On dit que, comme candidat républicain à la présidence, il aurait peut-être plus de chances que Grant ou Sherman. Une sympathie énergique unit ces trois grands soldats américains. Cependant, pour faire exécuter le déplacement de Sheridan, Johnson n’a pas craint de placer le général Grant à la tête du ministère de la guerre. Que Grant n’ait accepté qu’avec répugnance des fonctions ministérielles qui établissaient entre le président et lui aux yeux du public une solidarité désagréable, cela n’est point douteux. Le général Grant a donné une curieuse justification de son acceptation. Le président étant le chef des armées de terre et de mer de la république, Grant a allégué l’obligation de l’obéissance militaire pour entrer au ministère ; mais les anomalies ne se sont point arrêtées là. Devenu ministre, Grant s’est refusé énergiquement au déplacement de Sheridan ; puis après y avoir consenti, sans doute pour épargner au pays une dissolution de l’administration et une crise générale, il a interdit au successeur de Sheridan de changer aucun, des fonctionnaires nommés par ce général. Tout en signant la translation de son camarade de la Nouvelle-Orléans au Missouri, Grant a donc sanctionné son système. Au fond de ces contradictions apparentes, il doit y avoir des ménagemens délicats