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observés envers les personnes dans des vues élevées de patriotisme. Les chefs de l’administration américaine doivent faire des sacrifices de ce genre à cet excentrique entêté qu’un mauvais destin leur a suscité comme président. Quant à Johnson, on rapportait récemment qu’il songeait à renvoyer tous ses ministres et à former un nouveau cabinet. Les lubies présidentielles ont le champ libre quand le congrès est en vacances ; mais en Amérique le remède n’est pas loin du mal. En face du congrès réuni, le président perdra tout pouvoir de mal faire. Au surplus ; la situation personnelle du président Johnson, malgré la hauteur de la fonction républicaine qu’il exerce, devient de jour en jour plus isolée. Il n’obtient pas même faveur auprès du parti démocratique. Il trouble et fatigue le mouvement des affaires. Ses dernières frasques ont alarmé le commerce et fait baisser le prix de l’or.

La Turquie vient d’envoyer à la république américaine un représentant qui a obtenu un succès de fou rire. Ce ministre, M. Blacque, dans le discours de présentation qu’il a adressé au président, n’a pas craint de fonder ses espérances pour la bonne harmonie des relations entre l’empire ottoman et les États-Unis sur la similitude des institutions sociales et politiques des deux pays. Qu’on nie les progrès du césarisme : voilà le sultan transformé par un de ses ambassadeurs en chef d’une démocratie où règne l’égalité sociale la plus parfaite ! L’auteur de cette facétie n’est point un Turc ; c’est le fils d’un Français, M. Blacque, plein de talent et d’énergie, qui sous la restauration combattait en Orient les envahissemens russes et défendait les premières tentatives de réforme du sultan Mahmoud. En cultivant d’ailleurs les États-Unis, la Sublime-Porte fait preuve de sagacité politique. Les choses se sont un peu améliorées pour les Turcs depuis quelque temps. Aux craintes sourdes qui régnaient récemment sur les tentatives intérieures et extérieures qui allaient dissoudre la Turquie ont succédé des apparences d’apaisement. La visite de Fuad-Pacha à l’empereur de Russie en Crimée a été remarquée et a été suivie de symptômes de rapprochement entre les deux cours byzantines. Ni les Bulgares ni les Serbes ne prennent les armes. Les troubles de Crète sont terminés, et nous espérons que les ministres turcs, éclairés par les gouvernemens européens, traiteront la population chrétienne de Candie avec une tolérance indulgente. Il faut bien aussi que des conseils de prudence soient donnés à la Grèce. Il serait temps enfin qu’on se tînt pour dit chez nous et partout que quiconque travaille à troubler l’Orient ne saurait être ami de la France.

À la suite des négociations qui ont eu lieu entre les ministres d’Autriche et de Hongrie sur le partage des charges financières de l’ancienne monarchie antérieure au présent dualisme, on a vu plus clair dans l’état des finances de l’Autriche. Ces finances sont loin d’être prospères. Quelle que soit la fierté de ses traditions, un empire ainsi ap-