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Amérique par M. Jérôme Bonaparte, alors mineur, et de prouver la nullité de cette union, nullité résultant du défaut de consentement maternel ; mais la discussion de ce point historique a en même temps fourni au prince Napoléon l’occasion de parler en termes on ne peut plus blessans pour l’auteur et pour l’éditeur d’un livre qui a paru en 1858 sous le titre de Mémoires du comte Miot de Melito, et qui, selon lui, a été publié sous une inspiration notoirement hostile. Voici, monsieur, ce que j’ai à répondre aux attaques trop peu mesurées que le prince Napoléon a dirigées contre feu mon beau-père et contre moi.

En 1827, le comte Miot vint s’établir à Stuttgart auprès de sa fille et de son gendre. Désirant, avant de commencer la traduction de Diodore de Sicile, qu’il se proposait d’entreprendre, occuper ses loisirs par un travail moins sérieux, il résolut de mettre en ordre et de compléter à l’aide de ses propres souvenirs le journal dans lequel il avait l’habitude, depuis nombre d’années, de noter le soir ce que dans la journée il avait observé ou appris de mémorable. Ce travail, dans lequel j’assistai mon beau-père, prit plus de deux ans, et forme quatre gros volumes de Mémoires, mis au net par moi et corrigés ça et là de la main de M. Miot. Les principaux faits contenus dans ces quatre volumes manuscrits, notamment les récits des entretiens confidentiels avec le prince Joseph, qui ont particulièrement déplu à son altesse impériale le prince Napoléon, sont tirés littéralement du journal du comte Miot. Naturellement je ne prétends pas en certifier l’exactitude ; mais ce que je puis garantir, c’est que le comte Miot, dont la loyauté, la bienveillance et le désintéressement seront sans nul doute attestés par tous ceux qui l’ont connu, était incapable d’altérer sciemment, en quoi que ce soit, la vérité. Il est donc évident que, s’il y a dans ces récits des inexactitudes ou des exagérations, il faut s’en prendre non au comte Miot, mais aux personnes qui lui ont livré les particularités dont l’authenticité serait contestée.

Le prince Napoléon dit que dans la dernière partie de sa carrière le comte Miot avait rompu les liens politiques qui l’avaient attaché à la famille impériale : cela n’est pas exact, et, comme preuve du contraire, je citerai le récit de la scène à Blois du 7 avril 1814 (vol. III des Mémoires, page 362), le dévouement infatigable avec lequel M. Miot a servi l’empereur même pendant les cent jours, et enfin son voyage en Amérique, entrepris à un âge assez avancé sur les pressantes invitations du comte de Survilliers, avec qui il est resté en correspondance intime jusqu’à sa mort.

En 1831, le comte Miot retourna en France emportant avec lui le manuscrit de ses Mémoires, et en 1838, nommé moi-même ministre plénipotentiaire de Wurtemberg à Paris, je vins l’y rejoindre avec ma famille. M. Miot mourut en janvier 1841, et, la révolution de 1848 ayant mis fin à ma mission auprès du gouvernement français, je retournai à Stuttgart.