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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/634

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pas seulement chez les imprimeurs, qui se font jour dans toutes les circonstances et dans toutes les professions. Dans une des industries qui sont le plus appropriées aux aptitudes féminines et où les femmes sont le plus occupées, la fabrication des gants, il a fallu de longs efforts et des luttes soutenues avant de pouvoir leur confier certains emplois fructueux précédemment réservés aux hommes. La production annuelle des gants en France s’élève à deux millions environ de douzaines de paires de gants, dont la valeur approximative atteint 80 millions de francs ; elle occupe un personnel de 60 à 70,000 personnes, parmi lesquelles 50 ou 60,000 femmes. Un ancien président de la chambre syndicale de la ganterie, M. Alexandre Muller, a rédigé à propos de l’exposition universelle un mémoire où il expose les améliorations dont cette industrie a été dotée depuis un certain nombre d’années, et dont lui-même a introduit les plus importantes. La principale est ce qu’il appelle la division du travail, qui consiste à répartir entre plusieurs la fabrication confiée auparavant à un seul. Grâce à cette division, les femmes mêmes ont pu s’élever jusqu’aux difficultés de la coupe, du dollage, de la fourchette, et gagner de gros salaires. Depuis 1845, le salaire de ce qu’on peut appeler le corps d’élite de la ganterie s’est élevé de 35 pour 100, tandis que malheureusement celui des ouvrières couseuses ou piqueuses n’a pas augmenté ; c’était une raison de plus pour que des ouvriers qui gagnent 7, 8 ou 10 francs par jour n’enviassent pas la fortune de quelques femmes qui parviennent à en recevoir 3, 4 ou 5. L’hostilité des hommes contre ce qu’ils appellent la concurrence féminine n’en a pas été moins vive. Dans tous les cas. analogues, elle pourrait de même être prise en flagrant délit. En vain se dissimulerait-elle sous le prétexte spécieux qu’il ne faut créer pour la femme aucune occasion de quitter le toit domestique, et qu’aucun profit ne vaut celui qu’elle tire des soins du ménage. Comme dans la plus respectable de toutes les associations, c’est-à-dire le mariage, le sort voue bien souvent les deux époux à conquérir chacun de son côté par le travail manuel la sécurité du ménage commun, tout ce qui tend à donner à la femme un emploi nouveau et plus lucratif, à accroître son importance vis-à-vis de l’associé, mérite d’être encouragé.

Ce n’est pas là le seul mauvais calcul que fassent les ouvriers. Les grèves qui ont éclaté chez nous depuis la dernière loi sur les coalitions ont eu pour résultat une diminution dans la production et dans la consommation ; le succès des prétentions des coalisés intéressait surtout les ouvriers les plus médiocres ; enfin, si par la vigilance de l’autorité ou sous la pression de l’opinion publique les plus funestes des mesures proposées n’avaient été écartées, un double système de