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tyrannie aurait été inauguré à la fois contre les patrons et contre. les ouvriers moins disposés que les autres aux mesures extrêmes. Les traits les plus caractéristiques à cet égard nous sont fournis par la première grève et la dernière, celle des cochers de la compagnie impériale des voitures de Paris et celle des ouvriers tailleurs. La première a surtout succombé sous la désapprobation publique, la seconde a donné lieu à une condamnation judiciaire. Cette double fin, bien méritée aurait produit un effet plus salutaire, si les détails révélés par l’instruction avaient été plus connus du public ; on doit regretter pour les intéressés eux-mêmes qu’ils n’aient pu profiter de. certaines leçons, leur éducation ainsi faite valant mieux que leur obéissance. On se rappelle qu’à certain jour un avis anonyme fut adressé à vingt-quatre cochers de la compagnie impériale, lequel renfermait, avec leur nomination comme délégués, une série de réclamations à présenter au directeur. On se souvient des étranges considérans qui accompagnaient la pétition des cochers et entre autres de celui qui les montrait dans la dure nécessité de frauder la compagnie et de dissimuler une partie de la recette du jour pour obvier à l’insuffisance du salaire. Après refus du directeur, la grève fut déclarée, et les cochers, sans plus s’enquérir du droit de leurs prétendus délégués que ceux-ci ne l’avaient fait eux-mêmes, à l’heure dite déposèrent le fouet, insigne de leur fonction. Mal leur en prit : ils avaient affaire à un directeur énergique, M. Ducoux, ancien membre de nos assemblées, qui, sous le gouvernement du général Cavaignac, avait honorablement rempli les difficiles fonctions de préfet de police. Des cochers improvisés, recrutés partout, les palefreniers eux-mêmes de la compagnie, remplacèrent les titulaires indociles. Sur quelques points, d’anciens cochers, avec l’aide de ces égarés pour qui l’insurrection est toujours un devoir, maltraitèrent leurs successeurs et en furent sévèrement châtiés par la justice ; mais presque partout la population, mécontente de voir la satisfaction d’un besoin de premier ordre compromise, prit parti pour une compagnie dont la fortune était d’ailleurs peu enviable. Au bout de peu de jours, l’ordre rentra dans les remises, et les cochers remontèrent sur leurs sièges. Après quelques poursuites contre les voies de fait, certaines satisfactions concédées gracieusement, il ne resta de cette levée de boucliers que le souvenir de prétentions malséantes et le bon exemple d’une sage fermeté. Par malheur, la meilleure leçon à tirer de ce premier fait fut perdue, à savoir la déplorable facilité avec laquelle un petit nombre de meneurs peuvent réussir à conduire des masses ignorantes. Quel était le rédacteur de ces circulaires, le donneur de ce mot d’ordre, le promoteur de la grève et par conséquent la cause de pertes importantes ? La justice ne put