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roi catholique. » Telle est la vérité, et bien loin que Mercœur par ses hésitations ait manqué à la Bretagne, c’est au contraire la Bretagne qui a manqué à Mercœur.

S’il avait convenu à ce pays de relever son étendard semé d’hermines, jamais circonstances n’auraient été plus favorables, car l’héritier de la maison de Penthièvre avait à faire valoir des titres très spécieux au moment même où la province prenait les armes sous une impulsion irrésistible. La mort du duc d’Anjou, survenue en 1584, avait imprimé à l’opinion publique un cours nouveau. Cette mort enlevait au royaume toute perspective d’une succession catholique, puisque la précoce sénilité de Henri III ne laissait plus attendre d’héritier du trône, et que la loi fondamentale appelait à la couronne le roi de Navarre, chef reconnu du parti protestant. Aussi plusieurs villes importantes adhérèrent-elles à l’union, et le parti de la ligue se trouva-t-il constitué en Bretagne, non pas, comme le disent la plupart des historiens, par le travail et l’habileté du gouverneur, mais par la pression qu’exerça sur les esprits un avenir inévitable et prochain.

Bientôt Henri III, chassé de sa capitale par un prince devenu l’expression vivante des passions populaires, dédaigneusement éconduit par les états-généraux réunis à Blois, recourait à l’assassinat pour se débarrasser d’un ennemi non moins puissant au sein des trois ordres que dans les rues de Paris, et la France se soulevait presque tout entière contre lui. Quelques mois plus tard, le coup de poignard de Jacques Clément répondait au coup de dague de Lognac, et dans la nuit du 2 août 1589 le camp de Saint-Cloud, plein de tumulte et d’anxiété, avait soudainement à résoudre le formidable problème que le droit héréditaire de Henri de Navarre venait poser pour le royaume très chrétien.

L’immolation du duc de Guise et du cardinal de Lorraine, qui avait séparé du roi la plus grande partie du royaume, eut en Bretagne un effet rapide et décisif. Cette province, jusqu’alors paisible, parut se repentir tout à coup de sa longanimité, et si elle s’engagea la dernière dans la lutte, ce fut avec la résolution d’y persévérer jusqu’au bout. A Nantes, la population courut aux armes, et des prédicateurs habiles à remuer la fibre religieuse devinrent les chefs d’un mouvement irrésistible, à la tête duquel Mercœur se vit naturellement placé. Toutes les villes de quelque importance constituèrent, sous le nom de corps politiques, des assemblées paroissiales délibérantes où l’ardeur populaire triompha sans peine des hésitations de la bourgeoisie. Ces assemblées ne refusèrent rien au duc de Mercœur, consacré à leurs yeux par le sang du chef de sa maison, et ce prince, non pas sans le vouloir, mais sans avoir personnellement agi, fut proclamé tout d’une voix chef et gouverneur de la Bretagne pour