dans un très court avant-propos placé en tête d’une Passion dans le grand monde : « Je n’ai rien à exiger du lecteur de ces pages ; elles ne me donnent, je le reconnais, aucun droit à sa bienveillance, n’ayant pas été tracées pour son amusement, mais uniquement pour le mien. Si néanmoins il s’en trouvait un que l’oisiveté engageât à les parcourir, je lui demanderais bien humblement, et dans son intérêt personnel, d’accorder une attention toute spéciale aux dates de lieu et de quantième. Cette petite sujétion l’avertira de placer en leur temps les événemens historiques auxquels les lettres font allusion ; Qu’il ne s’alarme pas toutefois malgré l’expression dont je me sers en cet instant, je n’ai pas eu l’ambition d’écrire un roman historique, mais seulement une histoire de salon, il m’a fallu montrer l’influence exercée par la politique sur la société et jusque dans les familles ; je l’ai considérée comme peinture de mœurs pour les temps dont je parle ; en cherchant à conserver aux différentes nuances du parti royaliste leurs physionomies particulières, telles que je les ai connues, je n’ai point essayé de peindre les autres partis, dont les habitudes intérieures m’auraient été étrangères. Quoique la plupart des scènes de cet ouvrage soient des réminiscences, aucune n’a de prétention à la vérité historique. »
Mme de Boigne a dit vrai : c’est la politique et l’influence de la politique sur la société et jusque dans les familles qui est le trait saillant d’une Passion dans le grand monde, de 1813 à 1820. Plus que bon gentilhomme, presque grand seigneur de l’ancien régime, Romuald de Bauréal, jeune encore et déjà colonel, sert avec ardeur et éclat dans les armées de l’empire ; après s’être brillamment conduit à la bataille de Lutzen, il revient un moment à Paris. « Je craignais, écrit-il à son ami Henri de Bliane, de trouver dans les salons de nos familles une grande joie des revers de la fatale campagne de Russie ; elle a développé au contraire une expression de tristesse et de sympathie si sincère qu’on est tout prêt à s’y réjouir de nos succès de Lutzen ; on me les fait raconter, on les écoute avec intérêt. Je suis heureux de retrouver ce sentiment de la patrie parmi ceux auxquels j’appartiens par tant de liens indissolubles. J’espère les divisions de parti prêtes à s’effacer pour se fondre dans le seul intérêt de la gloire du pays ; puisque déjà les jeunes gens veulent le servir, il faudra bien que les parens se résignent à l’aimer. Il n’est pas jusqu’à ta tante, la duchesse de Gerves, qui ne se soit un peu adoucie pour nous ; à mon dernier voyage à Paris, elle m’avait tourné le dos sans vouloir même apercevoir ma révérence, il y ; a un grand progrès cette fois-ci : elle a daigné me complimenter sur mon nouveau grade, car je suis nommé général ; tu t’en réjouiras ! autant que moi. J’avais fait annoncer à l’impératrice le colonel de Bauréal arrivant de l’armée ; elle m’a reçu, a lu ses lettres