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La France ne peut retrouver sa sécurité, le ressort de sa puissance, la confiance en elle-même et la conviction qu’elle est véritablement maîtresse de ses destinées, elle n’a même de chance de changer à son avantage le courant des idées en Europe et de faire contre-poids aux forces matérielles qui se condensent à côté d’elle qu’en reconnaissant les inconvéniens de sa situation intérieure et en y portant la main avec intrépidité. C’est à l’intérieur qu’il faut se hâter de produire le coup de théâtre devant lequel disparaîtront les mauvais rêves du présent. Que la nation soit associée complètement au gouvernement d’elle-même, et la France verra clair devant elle, et n’aura pas de peine à se faire comprendre de tout ce qu’il y a d’intelligent, d’honnête et de généreux en Europe. Faisons la lumière chez nous et sur nous ; la plus grande tâche, la plus saine, la plus certaine que la France ait à remplir est de travailler sur elle-même et de mettre une bonne fois ses institutions en entière harmonie avec les progrès, les intérêts et l’honneur de notre époque. Notre état politique actuel, au point de vue de la production et de l’éducation des hommes propres à rallier et à concerter les forces morales du pays, a été d’une stérilité effrayante. Si cette infécondité constitutionnelle continuait, la France ne connaîtrait bientôt plus ces personnalités puissantes autour desquelles les peuples libres se groupent, grandissent et prennent d’eux-mêmes une idée haute et confiante. Si nous voulons recouvrer la sécurité, si nous voulons nous relever dans le respect de nous-mêmes, si nous voulons nous donner une tâche nationale digne de nous, si nous tenons à posséder l’estime sympathique du monde, c’est sur nous-mêmes qu’il faut travailler ; ce sont nos propres problèmes d’institutions et de gouvernement qu’il faut résoudre ; c’est notre énigme intérieure qu’il faut déchiffrer.

Persuadés que l’application des esprits aux choses politiques ne peut produire de résultats utiles en France que si elle est tournée aux choses intérieures, nous attachons peu d’intérêt aux incidens qui se déroulent à l’étranger. La Prusse et l’Allemagne sont pour le moment, nous le reconnaissons, le théâtre où sont représentées les scènes les plus curieuses. Ce serait cependant abaisser la politique à un jeu puéril de chicanes que de relever les actes du cabinet prussien qui ont d’intention ou d’effet le caractère provoquant. M. de Bismark s’est donné, par exemple, le plaisir d’écrire une circulaire à l’occasion de l’entrevue de Salzbourg et de dire son mot sur l’entrevue des chefs des deux empires d’Occident et d’Orient. M. de Bismark est dans son rôle et a le droit d’en prendre tous ses avantages ; il est évident qu’un rapprochement marqué entre les empereurs de France et d’Autriche ne pouvait, quoi qu’on en ait dit, être dénué de caractère politique. Quand il n’y aurait eu que l’échange des intentions pacifiques exprimées par les deux souverains, la Prusse ne pouvait demeurer insensible à cette manifestation. Lorsque deux potentats déclarent