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union, et la working men association. Le premier de ces comités (reform league) est celui qui a le plus figuré devant le public durant ces deux dernières années, Dès 1861, quelques hommes avaient conçu l’idée d’appuyer l’agitation politique sur une alliance avec les sociétés ouvrières. du premier meeting eut lieu à cet effet dans Freemason’s Tavern. Cependant la ligue, comme elle s’intitule, ne prit vraiment consistance qu’après la mort de lord Palmerston. Elle commença, ainsi que débutent en Angleterre toutes les œuvres de ce genre, par une profession de foi, un appel de fonds et la formation d’un comité dont M. Beales fut nommé président[1]. C’est aujourd’hui une des plus fortes organisations qui puissent exister dans un état libre. Au mois d’avril 1867, elle comptait 107 succursales (branches) dans la ville de Londres et 337 dans les provinces, embrassant ainsi tous les grands centres industriels du royaume. La seconde société (national reform union) représente surtout l’alliance de la classe moyenne libérale avec la classe ouvrière. Les chefs sont M. George Wilson et M. Morley, un des hommes riches de Londres qui, comme il le dit lui-même, « a beaucoup à perdre et rien à gagner dans les tourmentes politiques. » Enfin la working men reform association obéit aux ordres de M. George Potter, qui a su s’assurer la confiance de plusieurs London trades’ unions.

Entre ces trois comités, un observateur attentif aurait bien remarqué des nuances d’opinions assez distinctes. La reform league, par exemple, s’était hautement prononcée pour le suffrage universel (manhood suffrage) protégé par le scrutin secret (ballot), tandis que la national reform union se contentait d’un suffrage restreint appuyé sur la condition du domicile (household suffrage). M. Bright lui-même a toujours été en faveur de cette dernière mesure, et, tout en haranguant des meetings qui affichaient des prétentions plus avancées, il n’a jamais renoncé pour son compte à fixer des limites au vote. Nos voisins reprochent surtout au suffrage universel la docilité de ce système envers les faits accomplis. Ce qui s’est passé ailleurs n’était point de nature à recommander ce mode d’élection au bon sens pratique des Anglais et à leur amour de la liberté. Beaucoup parmi ceux-là mêmes qui ont salué chez nous en 1848 le suffrage universel comme un hommage rendu à la

  1. Né en 1803, M. Edmond Beales fit ses études à l’université de Cambridge, où il atteignit en 1829 le degré de M. A. (maître ès-arts). Il occupait en 1866 le poste assez recherché de revising barrister du comté de Middlesex, quand il fut destitué par le nouveau ministère tory à cause du rôle qu’il avait joué dans les agitations politiques. Ailleurs le fait n’aurait rien eu de surprenant ; il fut remarqué et blâmé en Angleterre, où l’on peut très bien exercer des fonctions publiques tout en différant d’opinion et de conduite avec les membres du gouvernement.