Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/868

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
HOMMES D'ETAT
DE LA HONGRIE

LE COMTE STEPHAN SZECHNEYI


SECONDE PARTIE[1].

« Oh ! que je ne devienne pas fou ! que je ne sois pas fou ! ciel miséricordieux, conserve-moi de la modération. Je ne voudrais pas devenir fou. » On connaît ce cri poussé par le roi Lear quand il sent sa raison chanceler devant l’ingratitude et les outrages de ses filles. Au moment où la révolution prend la place de la réforme dans les affaires de Hongrie, au moment où la rupture est inévitable entre le peuple magyar et les Habsbourg, le comte Széchenyi, promoteur de la Hongrie nouvelle, se sent frappé comme le héros de Shakspeare, et comme lui c’est en vain qu’il s’écrie : « Ciel miséricordieux, conserve-moi de la modération, je ne voudrais pas devenir fou. » Cette modération, en d’autres termes cette possession de soi-même, comment pourrait-il la conserver ? Il s’est associé si étroitement depuis un quart de siècle à la renaissance de la Hongrie, il est si bien le cœur et l’âme de ce peuple nouveau que les épreuves publiques l’atteignent directement, au fond même de son être. Il ne s’agit pas ici de la déconvenue d’un homme d’état, il ne s’agit pas d’un système politique renversé par des révolutions,

  1. Voyez la Revue du 1er août.