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FAUSSES ROUTES

TROISIÈME PARTIE[1].


XI

Il est rare que les bateaux frétés pour le continent quittent la jetée de Douvres ou celle de Folkestone sans emporter au nombre de leurs passagers, si divers d’allures et de costumes, quelques pauvres voyageurs que n’attirent au dehors ni l’espoir du gain, ni les perspectives du plaisir, ni le soin de leur santé, ni la pensée du relief que leur donnera plus tard la réputation d’avoir vu les pays étrangers. Ces malheureux portent au dehors un cerveau fatigué, un cœur froissé ; ils cherchent un répit à d’incessans travaux ou à d’intolérables anxiétés. Paris, avec ses folles distractions, son tumulte, ses joies affairées, ne les attire guère. Ils lui préfèrent le repos endormi des vieilles cités belges, et le bateau d’Ostende les dépose en quelques heures sur les bords du Rhin. Çà et là dans ces régions paisibles, dans les villes d’eaux comme Hombourg, Bade ou Spa, ils retrouvent, fugitifs désappointés, un écho du bruit qu’ils ont voulu ne plus entendre ; mais, s’ils y tiennent réellement, la solitude, l’oubli, la paix, ne leur seront pas refusés.

Par une soudaine inspiration, au dernier moment, Chudleigh Wilmot avait prescrit qu’on lui gardât jusqu’à nouvel ordre toutes ses correspondances, qu’on devait lui expédier en bloc dès qu’il aurait décidé le choix d’une résidence. Cette judicieuse mesure lui procura presque immédiatement un des biens qu’il allait chercher sur la terre étrangère. Il tomba directement, et sans que rien y fît obstacle, sous la pacifiante influence de la nature, d’autant plus

  1. Voyez la Revue du 15 septembre et du 1er octobre.