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Les orateurs de la gauche reprochaient au projet sur les affaires communes d’exiger le sacrifice des droits de la Hongrie comme état indépendant. Ils voulaient bien reconnaître des affaires communes, mais par défiance de l’Autriche ils voulaient laisser les deux groupes sans point de contact. C’était aliéner l’indépendance du pays et les droits de la diète, avait dit M. Tisza, que de confier aux délégations le soin de se prononcer sur la direction générale des relations extérieures et sur le budget de la guerre. A cela, M. Deák répond qu’une bonne politique étrangère est au pied de la lettre la meilleure défense d’un grand empire comme celui où règne François-Joseph. Il ne peut y avoir deux politiques, l’une pour les pays hongrois, l’autre pour les pays non hongrois. « Jadis la nation ne pouvait exprimer son sentiment en ces matières que tous les dix ans au plus, lorsque le roi venait demander des recrues à la diète. La loi que nous proposons a pour conséquence le développement du principe de contrôle contenu dans notre constitution, et désormais chaque année les délégués de la diète hongroise pourront se faire rendre compte de tout ce qui a trait aux affaires politiques de l’empire. » M. Deák. saisit là un des signes de notre époque, qui réclame la permanence dans le contrôle des actes du pouvoir et le vote annuel de l’impôt. Cette permanence ne figurait pas dans le texte des lois anciennes, qu’invoquent sans cesse les Magyars. Les diètes étaient consultées comme l’étaient les états-généraux de France au XIVe siècle, lorsque le souverain avait à leur demander des levées ou des subsides. De ce privilège presque aussi précaire que l’étaient ceux de la Bohême, de la Haute-Autriche ou de la Styrie, les Magyars, par une persévérance sans exemple, ont fait un droit constitutionnel régulier. C’est bien là le vrai triomphe de la sagacité politique. Les ultra-Magyars de l’école de Kossuth n’ont pas compris que ce triomphe n’était durable que si l’on avait l’art de le faire accepter et si l’on ne s’en faisait pas une arme contre le principe essentiel de l’union avec les peuples voisins, et la gauche se récriait sur ce que les délégations allaient entrer en contact avec les Allemands de l’Autriche, qu’elle persiste à considérer comme des ennemis de l’indépendance hongroise. On aurait pu dire à ceux qui présentaient ces objections qu’ils se trompaient de date, et qu’ils se méprenaient sur les tendances de leurs voisins. D’ailleurs, comme le leur fit observer M. Deák, ces délégations des deux parties de l’empire n’ont rien de commun avec le reichsrath de M. de Schmerling, où les Magyars seraient nécessairement restés dans la minorité. Elles n’auront à délibérer que sur des objets où l’intérêt est évidemment le même pour la Hongrie et pour les autres peuples de la monarchie. En outre elles fonctionnent séparément, leurs pouvoirs