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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/963

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cette contrée du Danube devenue au Xe siècle le royaume de saint Etienne. Pour cela, il faut qu’elles ne soient plus empreintes de cet esprit arrogant et exclusif qui a perdu la cause hongroise en 1848. Il faut ôter aux races diverses du royaume tout prétexte à subir les séductions dont les assiège la propagande moscovite en leur présentant le mirage de la nationalité.

A l’intérieur de la Hongrie proprement dite, il n’est presque aucun comitat uniquement peuplé de Magyars. Au nord, ce sont les Slovaques ; à l’ouest, des Croates ; au sud, des Serbes et des Roumains, sans compter des Ruthènes et des Allemands, ceux-là plus dénationalisés, mais pour la plupart jaloux à l’excès de leurs coutumes propres et de l’usage de leur langue. La loi dite « des nationalités, » élaborée par un comité de la diète, fait heureusement à cet égard toutes les concessions compatibles avec le principe de l’unité politique et administrative du royaume. Il y avait surtout à compter avec les Serbes, très nombreux et très hardis ; mais l’ancien antagonisme des Rajacic et des Stratimirovic contre les Magyars est bien affaibli. Les Serbes veulent une université, le maintien de leurs libertés religieuses, toutes choses compatibles avec l’idée que les Magyars se font aujourd’hui de l’unité hongroise. Les haines éteintes ne risqueraient de reparaître que si l’empereur François-Joseph, persévérant dans une politique de conservation mal entendue à l’égard de l’empire ottoman, voulait contrecarrer trop vivement les vues des Serbes de Belgrade pour la régénération des races slaves chrétiennes de la Turquie d’Europe. On a pu très vite constater la popularité de M. de Beust sur ce point de l’empire lorsque l’on a su que, de concert avec la France, il avait heureusement négocié à Constantinople l’évacuation de la citadelle de Belgrade par les troupes ottomanes. Ce succès diplomatique a profité au rapprochement des Magyars et des Serbes. Les autres races, les Roumains et les Slovaques, qui avaient associé leurs efforts à ceux des armées de Jellachich et de Windischgraetz lorsqu’il s’était agi de combattre les Magyars en 1848, n’ont donné aucun signe d’agitation. Elles attendent la loi « des nationalités, » qui doit exiger que dans chaque comitat on se serve pour l’administration et la justice de la langue la plus répandue.

Les obstacles que rencontre cette œuvre de pacification des conflits de race sont plus grands dans deux pays qui dépendent de la couronne de saint Etienne, mais qui ont à beaucoup d’égards une histoire distincte de la Hongrie proprement dite, — la Transylvanie et la Croatie. Ces contrées, essentiellement favorisées par la nature, peuvent compter parmi celles où les populations ont le plus souffert des vicissitudes des systèmes politiques. Il y a dix-neuf ans,