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terrain d’environ 560 kilomètres de longueur sur une largeur moyenne de 140 kilomètres. Au nord et à l’est, ils vont presque jusqu’au pied des montagnes qui séparent la Bohême de la Saxe et de la Silésie. En Moravie, ils confinent à leurs congénères les Slovaques dans la direction de Presbourg et de la vallée de la Waag, Ils forment un groupe de 5 millions en contact presque dans chaque district avec l’élément allemand, qui en Bohême et en Moravie compte 2,300,000 habitans. Grâce à l’heureuse union qui avait subsisté entre ces deux élémens, la Bohême a été de bonne heure un des plus riches pays d’Europe. Indépendante de 963 à 1276 sous les rois qui se succédèrent de Svatopluk à Ottokar II, elle eut des princes indigènes dont les exploits sur la Drave et la Vistule ont laissé de grands souvenirs parmi ses populations, et lorsqu’elle échut à Rodolphe de Habsbourg, elle fut libre et policée au point d’être un objet d’envie pour les contrées voisines. L’empereur Charles IV avait fondé à Prague une université slave où les élèves affluèrent de tous les points de l’Europe. Des architectes bohèmes s’étaient formés, qui édifièrent sur la Moldau une des villes les plus remarquables du continent. Les premiers germes de division entre les Allemands et les Slaves datent de Jean Huss. En 1409, au moment où celui-ci fut nommé recteur de l’université de Prague, 20,000 étudians allemands retournèrent dans leur patrie avec leurs professeurs, et y fondèrent les universités de Leipzig, de Rostock, d’Ingolstadt. Les Tchèques, très engagés dans le mouvement hussite, prirent les armes après la mort violente du réformateur, et commencèrent contre les Allemands la lutte sanglante que termina la bataille de la Montagne-Blanche, ce suprême effort de l’indépendance bohème. Le royaume de saint Wenceslas disparut après cette journée ; devenu simple fief de l’empire d’Allemagne, il fut fort éprouvé par la guerre de trente ans, et en sortit épuisé. A la paix de Westphalie, les savans, les lettrés et un quart de la population avaient disparu. De pareilles épreuves marquèrent la décadence simultanée des Slaves et des Allemands de Bohême. Les classes gouvernantes étaient presque inaccessibles au progrès du reste de l’Allemagne et entièrement indifférentes au sort des masses, où se perpétuait le culte de la langue et des traditions nationales. L’apathie des chefs, le manque d’industrie et de commerce chez les sujets, l’absence de toute immigration qui en était la conséquence, firent échapper la Bohême à la germanisation. L’élément slave était en train de disparaître en Silésie et en Prusse, tandis qu’en Bohême il possédait les mêmes territoires que cent soixante années auparavant, ceux qu’il occupe encore aujourd’hui. Au moment où l’empereur Joseph II décrétait que nul ne serait admis dans un collège, s’il n’avait