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que le capital dont l’emploi est nécessaire n’obtiendrait point, quant à présent, une rémunération suffisante avec les recettes provenant du transport des passagers et des marchandises : le fret ne couvrirait point les dépenses d’exploitation et l’amortissement. Il convient par conséquent d’ajouter au fret un élément extraordinaire de produit ; cet élément, c’est la subvention payée par l’état. Association des capitaux par la formation des compagnies, concours de l’état au moyen de subventions, voilà les deux conditions préalables et fondamentales pour la constitution des grands services de navigation à vapeur affectés au transport des correspondances.

Le système des subventions a été de tout temps l’objet de vives critiques. On y a vu tantôt une atteinte au principe de la libre concurrence, tantôt un sacrifice financier consenti indûment au profit d’intérêts privés. Comme ces deux objections se représentent toutes les fois qu’il s’agit de fonder de grandes compagnies de transport ou de réviser les termes de leurs contrats, il n’est pas inutile de les discuter. Aussi bien les argumens que l’on invoque contre les compagnies concessionnaires de services maritimes s’appliquent également aux concessions de chemins de fer et à d’autres concessions analogues qui procèdent de l’état ou des communes. Il y a donc là une question générale, sur laquelle il est très désirable que la lumière soit faite et que toutes les opinions s’accordent. On s’épargnerait ainsi pour le présent et pour l’avenir des débats inutiles, nuisibles même, car de telles discussions peuvent dans certains cas paralyser l’action féconde des capitaux et arrêter l’essor des entreprises les plus profitables pour l’intérêt public.

En proclamant le principe de la concurrence, la science économique a démontré que ce principe fournit la solution la plus équitable et la plus efficace du problème de la production. Précédemment le travail était soumis au régime des corporations, des privilèges et des monopoles, et cette réglementation existait,- non pas seulement parce qu’elle répondait à l’organisation même de la société civile et politique, divisée alors en classes très distinctes, mais encore parce qu’elle semblait devoir procurer un meilleur aménagement des forces productives. La révolution introduite dans la constitution et dans les mœurs politiques enleva à ce régime sa première raison d’être et l’ébranla profondément ; restait toutefois l’argument tiré de l’intérêt général de la production, intérêt qui paraissait mieux servi par les combinaisons particulières à l’aide desquelles le travail était réglementé. Ajoutons que la plupart des réformateurs qui se donnaient alors pour mission de réorganiser et de régénérer la société acceptaient volontiers et pratiquaient dans la mise en œuvre de leur système le : contrôle direct et absolu sur le travail, non point assurément pour avertir l’intelligence et les