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à date fixe, rapidité et sécurité du transport. Il faut que le navire parte régulièrement, en toute saison, quels que soient l’état des relations commerciales et le mouvement des voyageurs, c’est-à-dire que, pour certains voyages, sa cale et ses cabines peuvent être à peu près vides et ne lui procurer qu’un fret insignifiant. Il est nécessaire que sa construction et son armement présentent les plus grandes garanties de sécurité, puisqu’il est destiné à transporter non-seulement des passagers, mais encore les lettres, le numéraire et les marchandises les plus précieuses : or cette sécurité ne s’obtient que par une augmentation des frais de premier établissement et d’entretien. Enfin, pour atteindre le plus haut degré de rapidité, il est indispensable que le navire, avec ses proportions exceptionnelles, soit muni de puissantes machines et d’énormes approvisionnement de houille qui occupent sans profit un emplacement considérable. Voilà donc une entreprise qui, par sa nature même et par ses obligations, est placée en dehors de la concurrence. Elle pourrait, il est vrai, réclamer pour le transport des lettres et des valeurs qui lui sont confiées un prix calculé d’après les dépenses, et elle rentrerait ainsi dans les conditions générales qui régissent toute opération de commerce ; mais alors ce prix deviendrait tellement élevé que les communications postales par les voies rapides seraient fort réduites, et il en résulterait un grave dommage : il est même certain que dans de telles conditions les paquebots-postes ne se seraient jamais, établis. Les gouvernemens n’ont point hésité ; s’inspirant de l’intérêt public, ils n’ont considéré que le but à atteindre, et, convaincus que la subvention était indispensable pour l’organisation des services transocéaniques, ils ont accordé ces subventions ; c’est ce qui a eu lieu en France, en Angleterre et aux États-Unis. Ces exemples valent toutes les démonstrations.

On objecte que, grâce à la, subvention qui s’ajoute aux recettes de l’exploitation commerciale, les entreprises de paquebots réalisent des bénéfices, et qu’il serait beaucoup plus simple de réserver ces bénéfices pour l’état qui exploiterait directement les transports, plutôt que de laisser répartir les profits entre des capitalistes actionnaires. Dans cet ordre d’idées, on demande pourquoi le gouvernement ne pourvoirait pas au service des transports maritimes comme il pourvoit au service des postes sur les routes de terre, avec la chance de réaliser à son compte les bénéfices que prélèvent les compagnies. — L’objection n’est pas nouvelle : nous l’avons vue se produire à l’occasion des chemins de fer, lorsque s’est agitée la question de savoir si l’exploitation devait être retenue par l’état ou confiée à l’industrie privée. Les motifs qui, après de longues discussions, ont fait prévaloir le régime des compagnies de préférence à l’exploitation directe par l’état, existent, plus