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des signes indubitables par l’examen du labre et des mandibules. De même l’inspection d’une patte apprendra au naturaliste exercé si l’insecte niarcbe sur les feuilles, ou s’il grimpe le long des tiges de la plante qu’il choisit pour séjour. La conformation des griffes par lesquelles se terminent les appendices locomoteurs est caractéristique sous ce rapport.

On s’aperçoit d’ailleurs au premier abord que parmi les insectes les uns mènent la vie paresseuse tandis que d’autres sont condamnés à une vie de labeur et de combat. Ces derniers sont armés et outillés selon les besoins de leur genre de vie particulier ; là encore l’examen, même partiel, d’un seul organe permet de classer l’individu et de deviner les instincts auxquels il obéit. Beaucoup d’articulés portent à l’extrémité de l’abdomen une pince, une tenaille, une scie, une tarière, ou même un glaive empoisonné. Si nous considérons en particulier les arachnides, quelle diversité de conformation des appendices, quel arsenal d’instrumens de travail et de guerre ! Les mandibules représentent tour à tour des pinces, des forceps, des ciseaux, des meules, des lancettes ; les mâchoires, des pièces triturantes, des trompes, des suçoirs ; la lèvre inférieure est souvent une filière. Les organes locomoteurs s’adaptent à une foule d’usages : tantôt ils deviennent des bêches, des pelles, des rames ; tantôt ils se terminent en râteaux, en fourches, en dévidoirs, en brosses, en corbeilles, et tous ces instrumens sont de fabrication bien autrement délicate que les grossiers outils dont se servent les hommes. Les aranéides ou espèces fîleuses font des toiles d’une variété illimitée ; tantôt elles confectionnent de véritables tissus, tantôt ce sont des réseaux à mailles ou bien de simples fils jetés au hasard. Les griffes jouent ici un rôle capital : simples chez les espèces qui ne fabriquent pas, elles ressemblent à des peignes ou cardes chez celles qui produisent des tissus serrés, à des fourches chez les espèces qui tissent des réseaux lâches.

Les yeux des insectes, souvent d’une dimension énorme, sont des appareils d’optique d’une structure étrange et qui remplissent merveilleusement des buts variés. Chez les arachnides, la position des yeux est encore caractéristique du genre de vie. L’insecte chasseur qui mène une vie errante a ses yeux rapprochés sur une éminence de telle façon qu’il puisse regarder autour de lui et apercevoir de loin sa proie. Celui qui demeure habituellement à découvert et à la même place a les yeux largement disséminés. Doit-il rester à l’affût dans un tube, les yeux sont rangés en avant sur le front, et le nombre en est diminué ; les yeux de derrière disparaissent. Dans d’autres insectes, la position et la conformation des orifices respiratoires peuvent aussi révéler les conditions d’existence auxquelles ils sont habituellement soumis. On se trouve ainsi en possession d’une série d’indices caractéristiques et parfaitement sûrs qui peuvent suppléer en partie à un examen approfondi d’une espèce nouvelle et permettre de la classer presque sans hésitation parmi les