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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/1029

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traitée avec respect par tous les hommes importans du parlement, et l’élite des représentans de l’Italie n’oubliera point les sympathies nombreuses et persévérantes que la cause de l’émancipation italienne a éveillées parmi nous. Les Italiens commettraient une fatale erreur, s’ils confondaient les sentimens de nos populations libérales avec des déclamations qui ont éclaté dans nos assemblées représentatives, formées par des circonstances électorales qui nous sont particulières. Nous avons remarqué avec satisfaction dans les premières conversations des chambres italiennes que les meilleurs esprits placent les finances dans leurs plus graves préoccupations. Le premier devoir pour le patriotisme italien, c’est de se rendre fort, et la véritable force des états modernes réside dans leurs ressources financières et les applications raisonnables qu’ils en savent faire. Il ne faut pas que l’Italie laisse dire qu’une nation de vingt-cinq millions d’hommes placée dans une des plus belles régions du monde est incapable de faire face honorablement aux charges financières que la crise vitale de sa destinée politique lui impose.

Chez nous, les discussions importantes ne chômeront point cette année. La première question dont l’opinion publique et les chambres vont avoir à s’occuper est le remaniement de nos institutions de guerre. Il y a un peu plus d’un an que, par une surprise des événemens, la France a été mise en demeure d’aviser à l’état de son organisation militaire. La nécessité était inexorable. La Prusse agrandie se révélait à l’Europe comme disposant de la plus grande force numérique en soldats qu’il y eût sur le continent. La révélation fut d’autant plus saisissante qu’elle avait été moins prévue. C’est d’ordinaire par le péril et le malheur que les peuples virils apprennent la nécessité de réformer leurs systèmes militaires. La France en 1792, affrontant la coalition de toutes les armées régulières du continent, se sauva après quelques tâtonnemens par la levée en masse. Ce grand effort militaire de la France étonna le monde, assura notre indépendance et bientôt notre suprématie ; il était sans doute resté dans la mémoire de Stein et des officiers prussiens qui conçurent le plan de la réorganisation des forces de la Prusse après les revers écrasans subis par ce pays sous notre premier empire. Le système prussien, qui éclata avec une efficacité si funeste contre nous en 1813, était déjà et est devenu depuis, grâce aux réglementations successives, une levée en masse complètement et savamment organisée et toujours prêté. Cette organisation frappait peu les esprits tandis que la Prusse demeurait restreinte dans son territoire et dans sa population. On la vit cependant, l’année dernière, fournir des centaines de mille hommes et assurer tout de suite la prépondérance des armes prussiennes sur les forces coalisées de l’Autriche et de la vieille confédération germanique. Le résultat de cette supériorité a été de donner un accroissement prodigieux à la force de guerre de la Prusse. Cette monarchie s’est agrandie