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elle-même par l’annexion de royaumes et de provinces ; elle s’est placée à la tête d’une confédération à laquelle elle applique ses institutions de guerre, et elle a conclu des traités militaires avec tous les états de l’Allemagne du sud. En présence de la manifestation subite de cette puissance et de l’extension miraculeuse qu’elle prenait sous nos yeux en quelques semaines, les Français, qui ont le sentiment des conditions de l’indépendance nationale, et qu’offense la seule pensée d’une déchéance, furent contraints de regarder à notre armée et de rechercher les moyens de la porter au niveau des forces offensives et défensives de l’Allemagne. On sait à quelles belles et intéressantes études ce souci patriotique entraîna des intelligences d’élite. Il fut pourvu avec une grande activité, dont on a vu les effets lors de l’incident du Luxembourg, à l’augmentation des approvisionnemens, à l’amélioration de notre armement, à l’appel des réserves dans le service actif. Quant aux systèmes d’organisation de l’armée, les avis furent contradictoires. Après une controverse qui dure depuis une année, on s’est rapproché de la grande loi sortie de l’expérience militaire de la France, la loi de 1832. On a renoncé au système d’exonération établi par la loi de 1855, qui rouillait dans notre armée les cadres si précieux des sous-officiers, et exposait nos troupes à un engourdissement contraire à notre tempérament national. On a songé aussi à augmenter par l’organisation, peu lourde pour ceux qui en feront partie, de la garde nationale mobile la masse des forces préparées où l’on pourrait puiser dans le cas d’une circonstance extrême. Sans doute les innovations dans les organisations militaires remuent les intérêts les plus vitaux du pays, et ne peuvent être adoptées qu’après des discussions d’où sort avec une clarté souveraine l’évidence du devoir patriotique. Nous souhaitons que les débats qui vont prochainement s’ouvrir au corps législatif soient complets, approfondis, et apportent cette évidence sur la loi qui sera votée. On peut dire d’ailleurs dès à présent que la sécurité militaire de la France est pleinement assurée. La France pourra disposer en très peu de mois d’une armée imposante par le nombre, magnifique par la préparation et superbement armée. Il importe que le sentiment de la sécurité sur les difficultés extérieures se raffermisse en France par le sentiment de notre force, que la solidité et la puissance de notre établissement militaire soient connues à l’étranger. Ce bon état de l’armée française, connu et apprécié au dedans et au dehors, aura sans doute une très heureuse influence. L’idée que la France ne pourra point être impunément contrariée dans ses intérêts légitimes sera une garantie certaine de paix.

Convaincus que l’esprit civique est l’âme véritable de la force militaire, nous voudrions que le gouvernement et la majorité de la chambre fissent coïncider la révision du système de notre armée avec un développement libéral conçu avec l’intelligence des idées de notre temps et dirigé