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s’humiliant devant l’Autriche, ait laissé retomber l’Allemagne sous le joug de la politique de Metternich ; c’est qu’au lieu d’une renaissance de l’empire au profit de la Prusse, fruit naturel de l’affranchissement, la victoire n’ait amené que l’établissement d’une diète caduque dès sa naissance, vaine ombre qui ne sert qu’à masquer les intrigues et la tyrannie autrichiennes. Heureusement l’esprit national commence aussitôt contre elle une lutte qu’une série de défaites parvient à peine à décourager. Cette lutte a d’abord un caractère démocratique ; on réclame ardemment une représentation des peuples pour faire équilibre à la représentation des princes. A partir de 1820, les idées prennent un autre cours, ce sont les sentimens particularistes qui se soulèvent, c’est l’esprit d’indépendance qui proteste dans les divers états. A mesure que se fait sentir davantage dans la politique allemande l’action de l’Autriche, la lutte contre la diète se confond avec l’effort instinctif de tous contre cette odieuse tutelle. La réaction poursuit sa route souterraine, l’antagonisme de l’Autriche et de la Prusse prend un caractère plus marqué ; l’ardeur des peuples contre le joug nouveau qu’ils subissent s’affaiblit avec leurs espérances. Cependant, de 1828 à 1834, la Prusse forme cette alliance économique, le Zollverein, qui constitue dans la vie fédérale une si étrange anomalie. Depuis l’avènement de Frédéric-Guillaume IV, comme si la nation était enfin réconciliée avec la diète, on songe à réformer celle-ci, non plus à la détruire, et ces essais inutiles conduisent jusqu’en 1847. La diète est emportée l’année suivante dans le torrent qui balaie toute l’Europe, et la couronne impériale est offerte encore une fois au roi de Prusse, qui la repousse. « Je jure devant Dieu que je ne veux renverser aucun trône, je ne veux rien usurper, je ne veux point de couronne ; je ne veux que servir l’unité et la liberté de l’Allemagne sur la base d’une constitution. » Cette profession de désintéressement couvrait des peurs de plus d’un genre ; on sait comment Frédéric-Guillaume IV servit l’unité et la liberté ! Cependant il forma avec la Saxe et le Hanovre cette alliance des trois rois dont le but était de veiller à la sécurité intérieure et extérieure de l’Allemagne. On se rapprochait ainsi, comme sous l’empire d’une tradition irrésistible, des plans formés en 1785 et en 1806. L’intervention de l’Autriche, l’entrevue de Pilnitz, dissipèrent ces rêves, et marquèrent encore une fois le commencement de la réaction.

La dernière partie du livre de M. Schmidt résume les événemens de l’année 1866 et expose la politique qui les avait préparés ; elle est écrite à la gloire du vengeur, du sauveur, de l’homme que tant de cœurs appelaient sans l’espérer, que tant de gens très sagaces ont méconnu pendant longtemps lorsqu’il s’est rencontré. M. de Bismarck a eu, comme tout le monde, de la peine à se faire accepter pour prophète en son pays ; il y a lieu de craindre qu’il n’y fût point parvenu, si la fortune ne s’était