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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/118

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on ne saurait plus à quoi s’en tenir sur une foule de points litigieux, et le Talmud raconte les artifices dont usèrent ses disciples pour le consulter à travers les murs de son cachot sans éveiller le soupçon des espions romains. Ils se déguisaient, par exemple, en marchands ambulans, criant leur marchandise en termes ambigux, et, de sa lucarne, Akiba répondait par un seul mot qui tranchait la question. Le vieux rabbin expira dans d’affreuses tortures en prononçant le mot unique ! Ce fut le dernier soupir de la théocratie d’Israël.


II

Le rabbinisme sauva encore une fois le judaïsme d’une ruine totale. Un vieux rabbin du nom de Juda, voyant que tous les docteurs étaient morts ou allaient mourir, voulut, au péril de sa vie, donner la semicha, c’est-à-dire la consécration, à sept disciples de R. Akiba que le maître n’avait pu consacrer de son vivant. Quoique surveillé de fort près par l’autorité romaine, il parvint à réunir les sept candidats dans un endroit isolé, et leur imposa les mains. A peine avait-il fait, qu’un détachement romain survient. Les jeunes gens voulaient défendre le vieillard. Celui-ci leur ordonna de chercher leur salut dans la fuite, et ils durent obéir. Les soldats ne purent s’emparer que du vieux rabbin, qu’ils percèrent de mille coups. La chaîne traditionnelle n’en était pas moins renouée, et sur ces entrefaites Adrien mourut. Son successeur, Antonin le Pieux, plus humain, n’ayant pas d’injure personnelle à venger, eut pitié des malheureux Juifs et rapporta les édits. Toutefois il maintint l’interdiction du prosélytisme et la défense d’entrer dans la nouvelle Jérusalem. Les sept disciples de R. Akiba récemment consacrés se réunirent à Uscha et y ouvrirent une grande école rabbinique.

Le parti théocratique avait été écrasé physiquement et moralement. Bar-Kochba, le fils de l’étoile, était devenu pour bien des Juifs Bar-Kosaba, le fils du mensonge. Cependant, lorsque vingt-trois ans de tranquillité eurent rendu aux Juifs de Palestine quelque force et quelque confiance, l’illusion messianique aidant, l’on vit de nouveau un mouvement insurrectionnel éclater en Judée l’an 161. Il est probable que ces nouveaux zélotes comptaient sur les Parthes, qui faisaient mine de déclarer la guerre à l’empire. Cette insurrection fut vite étouffée. Les Parthes ne purent la seconder à temps, et le seul résultat fut le renouvellement momentané des édits d’Adrien par ordre de Vérus, qui se trouvait alors en Orient