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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/161

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que le résultat eût frappé d’enthousiasme et d’étonnement. Là on aurait vu ce dont ils sont capables, tandis qu’on en est réduit à le deviner. C’est que ni l’adresse, ni la science, ni l’argent, ni les plus habiles mécaniques ne pourront jamais remplacer le sentiment juste du beau et le bonheur de la conception. Cette exposition, hélas ! ne le prouve que trop.

Parmi les artistes que nous aimerions à employer pour les étoffes d’ameublement, voici le seul qui nous arrête dans les produits de Lyon, parce que seul à l’exposition il est dans la route véritable. C’est M. Paul Grand. Sa vitrine renferme des étoffes aussi remarquables par le dessin que par la couleur. On y retrouve le goût si pur de Venise à sa plus belle époque. Ses velours en relief sur satin couleur thé, ses lampas capucine, or et bleu, argent et fleur de pêcher, ses bordures chinoises noir et or sur des draperies rouge de cinabre, atteignent le plus haut degré de l’art des étoffes. Il n’y a que l’Inde qui les dépasse encore ; mais, quand on s’inspire de l’art vénitien, on a déjà un pied dans l’Orient : le reste du corps doit y passer.

En revenant à la classe VIII, nous retrouvons bientôt, adossée à la cloison des cristaux de Baccarat, l’exposition céramique de M. Collinot. C’est une salle persane tout en faïence digne de l’examen le plus sérieux. Non-seulement les panneaux, dans le style oriental, offrent des résultats décoratifs aussi parfaits que ceux produits par les plus belles faïences de l’Asie, mais les vases, par la taille, par la solidité de la terre, comparable à de la pierre dure, enfin par la décoration qui les recouvre, arrivent au niveau des poteries chinoises, les premières du monde. Cependant ce n’est pas ici de la porcelaine, dont la pâte si fine et si blanche se prête mieux que toute autre à la décoration. Tout le monde a été frappé du rôle important que joue la faïence française à l’exposition de 1867 et, nous ne craignons pas de le dire, de la suprématie qu’elle a conquise sur celle des autres pays. Nous ne voulons pas assurément, par un faux sentiment de patriotisme, rabaisser cette industrie chez nos voisins. Les fabriques de Minton, de Copland, d’autres encore, ont contribué des premières à la relever de l’oubli où elle était tombée, et lui ont donné une existence nouvelle. Grâce à leurs relations commerciales avec le monde entier, grâce à de grands capitaux et à de puissantes machines, les Anglais ont répandu leurs faïences de tous les côtés, nous créant à l’aide du libre échange une concurrence terrible. Toutefois leur succès de 1855 a été très affaibli en 1867, et l’impression générale est qu’ils ont perdu cette fois plutôt que gagné.

L’exposition de la classe VIII est certainement une de celles qui remplit le mieux les conditions du progrès. Ici on n’a cherché à