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d’être repris en sous-œuvre et mis en rapport avec le boulevard Saint-Michel, qu’il réunit au boulevard Sébastopol. En 1413, pendant une des époques les plus troublées de notre histoire, au moment de cette folie de Charles VI qu’on appelait « l’occupation de notre seigneur le roi de France, » on compléta la communication de la Cité avec la terre ferme en construisant le pont Notre-Dame, qui ne fut achevé qu’en 1421 et ne dura pas longtemps, car, grâce aux mauvais matériaux de son appareil, il s’écroula en 1449 ; on le rebâtit, et nous l’avons vu encore embarrassé d’une haute construction soutenue sur pilotis, énorme pompe hydraulique élevée en 1670, refaite en 1708, qui chaque jour distribuait deux millions de litres d’eau aux quartiers environnans. C’était un lieu de repêche des cadavres ; tous les noyés de la Haute-Seine, entraînés par la force extraordinaire du courant, venaient s’arrêter dans l’assemblage des poutres qui servaient de fondation à cette vaste machine et étaient recueillis par le gardien, qui les faisait porter à la morgue et retirait quelques bénéfices de cette étrange industrie. La pompe avec son enchevêtrement de poutres et de madriers a été enlevée en 1858 ; cette suppression a rendu la navigation plus facile, mais néanmoins elle est dangereuse sous le pont Notre-Dame, et l’arche du Diable n’a que trop mérité son nom ; elle a vu sombrer bien des bateaux chargés de pierres et se briser les coupons de bien des trains de bois. Grâce à la canalisation du petit bras de la Seine parisienne et au barrage écluse de la Monnaie, une route meilleure est ouverte aux mariniers, et le pont Notre-Dame est presque complètement délaissé aujourd’hui.

Il était couvert de maisons comme les autres. Mercier raconte dans son Tableau de Paris que le 2 janvier 1782 une débâcle imprévue entraîna l’énorme patache qui servait de bureau aux douaniers de la Seine ; emportée, elle brisa sur son passage tous les chalands qu’elle rencontra. Les débris se précipitèrent vers le pont Notre-Dame ; « on ordonna de déménager sur l’heure, » une subite reprise de gelée sauva le pont et ses habitans. Mercier réclama le déblayage immédiat de tous les ponts. « Quand toutes les cheminées avec les entre-sols seront dans la rivière, dit-il, il faudra bien d’autres travaux pour décombrer le lit de la Seine. » Il avait raison, et, fait rare, il fut entendu, car on prit enfin la grande mesure réclamée depuis si longtemps, et l’on commença à rendre le passage des ponts sérieusement praticable.

En mai 1578, dit Pierre de l’Estoile, « à la faveur des eaux, qui lors commencèrent et jusques à la Saint-Martin continuèrent d’être fort basses, fut commencé le Pont-Neuf de pierre de taille, qui conduit de Nesle à l’École Saint-Germain, sous l’ordonnance du jeune du Cerceau, architecte du roy. » C’est Henri IV qui devait le voir