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de réception du 13 juin 1689 constate qu’il a coûté 742,171 livres 11 sols[1].

En 1617, on avait réuni l’île Saint-Louis à la Cité par le pont de Bois, dit aussi le Pont-Rouge, qu’une passerelle remplaça en 1842, et qui, aujourd’hui en bonnes pierres de taille, s’appelle le pont Saint-Louis. Au XVIIIe siècle, un seul pont apparaît, mais c’est le plus beau de Paris ; le pont de la Concorde, commencé en 1787, traînait en longueur, la prise de la Bastille en accéléra la construction en lui apportant les matériaux de la vieille forteresse. Pendant longtemps, nous l’avons vu orné de douze statues colossales qui représentaient quelques-uns des héros de l’histoire de France ; mais elles chargeaient trop les piles sur lesquelles elles étaient placées, on craignait un tassement qui aurait pu avoir de graves conséquences, et en 1837 on transporta ces lourds grands hommes dans la cour d’honneur du château de Versailles[2].

Tels sont les dix ponts que le XIXe siècle a trouvés à Paris et qui alors suffisaient amplement aux besoins de la grande ville. Napoléon, la dynastie de juillet et le second empire ont singulièrement augmenté ce nombre : Paris possède aujourd’hui vingt-six ponts et même vingt-sept, si l’on compte le pont Saint-Charles, qui sert aux communications des deux rives de l’Hôtel-Dieu. Sous le gouvernement de Louis-Philippe, la mode était aux ponts suspendus ; on en fit beaucoup trop. Outre le très grave inconvénient qu’ils ont de ne point offrir de passage aux voitures, ils ont prouvé, par l’usage, qu’ils étaient peu solides et résistaient mal au piétinement perpétuel d’une population toujours active et pressée[3]. De toutes les passerelles qui ont été élevées il y a une trentaine d’années, une seule subsiste encore aujourd’hui : c’est la passerelle de Constantine, qui, livrée au public en janvier 1838, réunit le quai Saint-Bernard au quai de Béthune. La révolution de février a rendu aux Parisiens le service considérable d’annuler d’un seul coup tous les péages dont certains ponts étaient grevés ; aujourd’hui toute circulation est libre, l’état a désintéressé les compagnies

  1. Delamarre, Traité de la police, I, p. 89.
  2. Ces statues sont celles de Sully, Suger, Duguesclin, Colbert, Turenne, Duguay-Trouin, Suffren, Bayard, Condé, Duquesne, Tourville et le cardinal Richelieu. C’est une ordonnance de Louis XVIII, datée des 19 Janvier et 14 février 1816 qui en fixa le choix ; mais ce choix remplaçait celui qui avait été fait par Napoléon six ans auparavant. « Le 1er janvier 1810, etc., avons décrété et décrétons ce qui suit : Les statues des généraux Saint-Hilaire, Espagne, Lasalle, Lapisse, Cervoni, Lacour, Hervé, morts au champ d’honneur, seront placés sur le pont de la Concorde. » Il faut reconnaître que le projet de Louis XVIII est plus général dans son ensemble et historiquement meilleur que celui de Napoléon.
  3. Ils peuvent être excessivement dangereux. Qu’on se rappelle la catastrophe d’Angers, tout un bataillon précipité par la chute subite du tablier d’un pont suspendu !